Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 3.djvu/351

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LA FÉE GRIGNOTE.


CHAPITRE PREMIER.

L’ACCUSATION.


La fée Grignote était une petite souris, la plus jolie petite souris qui ait jamais grignoté sur la terre. Elle était d’une gaieté folle ; elle avait de petits yeux tout éveillés qui lui sortaient de la tête et lui donnaient une physionomie toute gentille et capricieuse : elle trottait, sautait, jouait toujours ; ne pouvait rester un seul moment tranquille, si ce n’était pour méditer quelques niches.

Son grand plaisir était de chatouiller les pieds des enfants, de courir à tout moment dans leurs jambes et de les faire rire sans sujet, pendant qu’ils prenaient leurs leçons ; ce qui les faisait gronder par leur maître, lequel croyait toujours qu’on se moquait de lui.

N’ayez pas peur qu’elle les eût fait rire pendant la récréation ! non vraiment : c’était un plaisir permis, et mademoiselle se souciait fort peu de ce qui était permis. Ce qu’elle aimait, c’était le trouble et le scandale : elle n’allait point chatouiller les enfants chez leurs parents, ni au spectacle, ni à la danse, nulle part enfin où l’on doit s’amuser ; au contraire, elle les laissait là s’ennuyer tout à leur aise ; mais, en revanche, sitôt qu’ils étaient en classe, ou à la messe, pendant le sermon, ce qui était encore plus mal, elle arrivait, toute guillerette et maligne, et il n’était pas d’extravagances qu’elle n’inventât pour faire éclater de rire les pauvres enfants.

Si l’un d’eux se laissait tomber par terre, soudain elle allait chatouiller les autres, et ils en riaient ; alors le maître les appelait sans cœur ! et ils passaient tous pour méchants.