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M. DE PHILOMÈLE.

Le Rossignol n’en écouta pas davantage ; il détestait les discussions politiques.

Il s’approcha des pigeons : il pensa qu’on pourrait leur parler musique et poésie, s’imaginant que ces oiseaux si tendres devaient aimer les beaux-arts… Il se trompait.

— Les beaux-arts ! dit un pigeon fort pédant, ils ne servent qu’à énerver l’âme.

— Ils sont bons pour les femmes, reprit un canard avec dédain.

— Pour les vôtres, peut-être, ajouta le pigeon pédant, qui était marié depuis de longues années ; mais les colombes sont déjà bien assez sensibles, elles n’ont pas besoin d’être encore exaltées par les arts.

La maîtresse de la maison, qui entendait cette conversation, pensa que si le rossignol paraissait aimer les beaux-arts, c’est qu’il possédait quelques talents.

— Vous êtes musicien ? lui dit-elle avec politesse.

— Un peu, madame, répondit le rossignol en faisant le modeste : nous autres poëtes, mous adorons tous la musique.

— Ah ! vous êtes aussi poëte ?

Cette question charma le rossignol ; il se croyait dédaigné, et ce fut une consolation pour lui de voir qu’il n’était qu’inconnu.

— Vous seriez bien aimable de nous déclamer quelque chose, s’écria alors une grosse femme qui avait amené ses neuf filles.

Le rossignol se fit prier le temps convenable, puis il se mit à chanter avec d’autant plus de voix qu’il s’était longtemps reposé.

Il chanta à merveille, mais on l’écouta froidement.

— Petite musique ! dit tout bas un pigeon à son confrère.

— Voix de fausset ! dit un canard à son ami.

Quant au grand coq, il ne l’écouta pas du tout. Sitôt qu’on eut demandé des vers à M. de Philomèle, il pensa qu’on lui en demanderait aussi ; et, dès lors, il repassa tout son répertoire dans sa tête. Plus moyen de ramener son attention.

Cependant la maîtresse de la maison, qui avait du tact et une grande habitude du monde, s’épuisait en éloges arrangés,