Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 3.djvu/343

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
335
M. MARTIN DE MONTMARTRE.

élevant la voix, soit en inclinant la tête avec bienveillance. On les trouvait bien un peu ridicules, mais ils étaient à la mode et on leur pardonnait tout.

Et pourtant M. de Montmartre n’était pas heureux : sa vanité était flattée, mais il vivait dans une contrainte perpétuelle qui attristait ses plaisirs.

Pour cacher ses honteuses oreilles, son chapelier lui avait conseillé de porter des oreillettes, et ces oreillettes le gênaient singulièrement ; de plus, elles le rendaient presque sourd, ce qui le privait du plaisir d’entendre les bonnes malices qu’on disait de lui.

Il aimait à se coucher de bonne heure comme un bon bourgeois qu’il était ; eh bien ! ces jeunes gens le faisaient veiller des nuits entières, et profitaient de son demi-sommeil pour lui gagner son argent au jeu.

Cette existence brillante le fatiguait plus que les corvées de sa jeunesse ; il sentait le vide de son âme, il en souffrait, et bientôt sa santé s’altéra sérieusement. Alors les médecins lui conseillant l’air pur de la campagne, il loua aux environs de Paris une écurie de plaisance assez jolie, où il se retira secrètement.

Mais la solitude ne lui réussit pas mieux que le tracas du monde ; la maladie de langueur qui le consumait, loin de guérir, s’accrut par le repos, et peut-être il y allait succomber, lorsqu’un jour…