Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 3.djvu/330

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
322
ZOÉ, OU LA MÉTAMORPHOSE.

CHAPITRE HUITIÈME

ENCORE UNE ÉPREUVE.


Quelques jours après, l’espoir revint dans son cœur. En entrant dans la chambre de sa maîtresse, Zoé aperçut une superbe guirlande de roses que l’on venait d’apporter à l’instant. La femme de chambre avait eu l’imprudence de la poser sur l’oreiller du lit, pendant que le coiffeur arrangeait les beaux cheveux d’Églantine, qui ne pouvait voir ce qui se passait autour d’elle.

Zoé jugea que l’instant était favorable ; sa maîtresse devant aller à un grand bal pour lequel on semblait se parer plus qu’à l’ordinaire, cette guirlande était un objet de la plus haute importance ; donc c’était elle qu’il fallait immoler, il fallait l’attaquer sans plus tarder.

Si Églantine avait supporté patiemment la perte de ses bonbons et de son paysage, elle ne serait sans doute pas insensible au massacre de sa guirlande.

Pendant que le coiffeur, affairé, racontait avec vivacité toutes les admirables coiffures qu’il avait faites le soir même pour la fête où devait aller Églantine, la chatte sauta légèrement sur le lit et alla bien doucement se coucher sur la guirlande, de manière qu’il n’y eût pas une seule fleur qui ne fût écrasée par le poids de son corps. Il avait beaucoup plu ce jour-là, Zoé avait couru dans la rue et elle joignait à tous ses charmes celui d’être crottée horriblement ; si bien que chaque rose fut à l’instant mouchetée, mouillée et fanée, comme si elle avait subi un orage, avec cette différence qu’une rose des champs peut se ranimer au soleil, et que celles-là ne pouvaient plus jamais revivre : les roses de Batton ne diffèrent qu’en cela des véritables fleurs.

Quand le coiffeur eut terminé sa natte, qu’il voulut prendre la guirlande pour la poser sur la tête d’Églantine et qu’il saisit, au lieu de ces belles fleurs, les deux oreilles d’un chat… il recula épouvanté.