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ZOÉ, OU LA MÉTAMORPHOSE.

de ses petits mouchoirs qui étaient rangés en paquet sur une commode, et elle s’enfuit promptement.

Zoé avait elle-même brodé son nom à l’un des coins de ce mouchoir, et à peine fut-elle de retour chez Églantine qu’elle le lui apporta en lui montrant avec sa patte les trois lettres qui composaient son nom. « Zoé ! » lut tout haut Églantine. Aussitôt la chatte sauta sur ses genoux ; puis elle s’éloigna pour se faire appeler. En vain sa jeune maîtresse essayait de lui donner d’autres noms ; la chatte lui montrait toujours celui de Zoé brodé sur le petit mouchoir, et Églantine voyant qu’elle ne voulait répondre qu’à ce nom, comprit que c’était celui qu’on lui avait toujours donné et se résigna à le lui laisser.

Ordinairement, c’est la maîtresse qui fait l’éducation de son chat ; cette fois, au contraire, c’était la chatte qui apprenait à sa maîtresse comment elle voulait être appelée : cela paraissait fort singulier, mais Églantine savait à quel point les animaux domestiques sont intelligents, et rien ne l’étonnait de leur part.

Voilà donc Zoé établie dans la maison sous son nom véritable : le plus difficile était fait ; il ne s’agissait plus maintenant que de se faire dire : Je te pardonne !… et le moindre petit crime pouvait amener ce mot-là.

Mais pour se faire pardonner de sa maîtresse, il fallait d’abord la fâcher, et cela n’était pas si facile qu’on aurait pu le croire au premier moment.

On avait donné à Églantine une grande boîte de bonbons qui paraissaient excellents. Zoé apercevant cette boîte, se mit bien vite à dévorer tout ce qu’elle contenait, et attendit joyeusement le retour de sa maîtresse, espérant qu’elle la gronderait.

Mais son espérance fut trompée : Églantine n’était point gourmande ; elle vit que Zoé avait mangé ses bonbons, et au lieu de se mettre en colère : — Tu as bien fait, dit-elle ; tu as deviné que je les gardais pour toi.

Zoé fut mécontente de tant de douceur ; elle résolut de s’en venger.

Églantine dessinait à merveille. Depuis plusieurs jours, elle se hâtait d’achever un paysage qu’elle voulait montrer à son