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ZOÉ, OU LA MÉTAMORPHOSE.

CHAPITRE SEPTIÈME.

LES ÉPREUVES.


Le soir, Zoé retourna chez sa mère pour savoir de ses nouvelles ; mais madame Épernay venait de partir. Sa famille s’était hâtée de l’arracher à ces lieux qui lui retraçaient de si cruels souvenirs ; on avait le projet de la faire voyager en Italie pour la distraire, car on craignait qu’elle ne succombât à son chagrin.

Zoé fut bien triste de l’absence de sa mère, et cette pensée qu’elle était partie pour l’oublier l’affligea profondément. Elle savait que sa mère serait longtemps inconsolable ; mais l’idée que les personnes qui l’entouraient allaient faire tous leurs efforts pour l’effacer de son souvenir la tourmentait ; et, dans son désespoir, elle en voulait à sa famille de ce qui en était l’éloge. Zoé passa la nuit cachée dans la remise, où elle eut bien froid ; elle eût été mieux dans l’écurie, mais elle avait trop peur des chevaux pour se hasarder à y pénétrer.

Dès que la fenêtre du salon d’Églantine fut ouverte, Zoé retourna auprès d’elle. La jeune fille la reçut encore mieux que la veille, car c’était maintenant une ancienne amie. — Minette, dit-elle, viens ici. — Zoé ne voulut point répondre à ce nom, et parut même fort mécontente qu’on le lui donnât.

— Mignonne, reprit Églantine ; mais Zoé ne voulut pas encore répondre à ce nom.

— Il faut pourtant que je te donne un nom, puisque tu es à moi, dit la jeune fille, et que tu ne peux me dire le tien.

À ces mots, Zoé eut une idée lumineuse : elle sauta d’un bond sur la fenêtre, courut sur les toits jusqu’à sa demeure, et bientôt, franchissant les marches de l’escalier, elle arriva devant la porte de sa chambre. On était encore en train de déménager, tout était ouvert dans l’appartement ; les joujoux ; les robes de Zoé étaient épars çà et là ; on ne savait pas à qui les donner. Comme chacun était occupé, Zoé vit qu’on ne ferait point attention à elle ; alors elle s’empara très-adroitement d’un