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ZOÉ, OU LA MÉTAMORPHOSE.

menaçant ; et d’ailleurs Zoé commençait à perdre tout espoir d’être reconnue, même de sa mère.

L’idée lui vint aussi d’écrire ce qui lui était arrivé, et de calmer ainsi l’anxiété de sa mère ; mais elle n’avait rien pour écrire, ni plume, ni papier, ni encre ; elle essaya de griffer quelques mots sur le mur, mais ne put en venir à bout ; et d’ailleurs, qui est-ce qui aurait jamais pensé sérieusement à lire un mur sur lequel il y aurait écrit : « Ma chère maman, ne me pleure pas, je suis devenue chatte ! »


CHAPITRE SIXIÈME.

LA LETTRE.


Dès que le jour parut, Zoé, craignant d’être renvoyée de la maison, où elle éprouvait encore un plaisir douloureux à être auprès de sa mère, regrimpa sur le toit afin de voir ce qui se passait autour d’elle sans être vue. Comme elle était là triste et rêveuse, elle entendit dans la cour de la maison voisine le bruit d’une fenêtre qu’on ouvrait : elle vit alors l’intérieur d’une jolie chambre où il y avait un bon feu. Çà et là des livres étaient posés sur différentes tables, c’était comme des dictionnaires. Il y avait aussi des fleurs, dans un vase sur un petit bureau, qui d’abord frappa les regards de Zoé ; elle pensa à la lettre qu’elle voulait écrire, et résolut d’entrer dans cet appartement. Elle sauta d’abord sur la fenêtre, et voyant qu’il n’y avait personne dans la chambre, elle y entra bravement.

Le mouvement qu’elle fit jeta par terre un morceau de mie de pain posé sur un carton de dessin, ce qui faisait présumer que quelqu’un allait bientôt venir dessiner dans ce salon. Zoé n’avait rien mangé depuis la veille, elle ne put résister à la tentation, elle mangea toute la mie de pain et aurait volontiers mangé les miettes s’il y en avait eu.

Après ce splendide repas, elle voulut écrire sa lettre, et pour cela sauta sur le fauteuil qui était près de la table et s’empara