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ZOÉ, OU LA MÉTAMORPHOSE.

comme la femme de chambre se disposait à entrer chez elle, Rosalie accourut tout effarée. — Si madame demande mademoiselle Zoé, dit-elle, répondez-lui que je suis sortie avec elle pour aller acheter des fleurs ; cela me donnera le temps de la chercher encore. Nous ne pouvons savoir ce qu’elle est devenue. Ah ! mon Dieu, mon Dieu, s’écria-t-elle en sanglotant, s’il lui était arrivé malheur, j’en mourrais !

Zoé, désolée de voir pleurer sa bonne à cause d’elle, oubliant qu’elle ne pourrait la reconnaître, voulut lui parler et la consoler ; mais Rosalie la repoussa encore, cette fois du moins sans coups de pied ni de bâton, car la pauvre fille était si inquiète qu’elle n’avait plus le temps d’être méchante.

Bientôt l’alarme se répandit dans toute la maison, et personne n’eut plus la présence d’esprit de cacher son inquiétude ; madame Épernay, ne voyant point revenir sa fille et ne comprenant rien aux airs mystérieux, aux réponses évasives de ses gens lorsqu’elle leur parlait de Zoé, commença à soupçonner quelque catastrophe. Elle se leva à la hâte et courut vers la chambre de Zoé, imaginant qu’elle était malade et qu’on voulait le lui cacher.

Quand Zoé vit passer sa mère devant elle, son cœur battit vivement ; elle courut aussitôt sur ses traces pour la rejoindre, espérant en être reconnue ; mais un vilain épagneul qui ne quittait jamais madame Épernay ayant aperçu la pauvre chatte, bien loin de la reconnaître pour sa jeune maîtresse, se mit à aboyer d’une telle force qu’il attira tous les autres chiens de la maison. Au même instant, caniches, levrettes et carlins assaillirent la méconnaissable Zoé, qui n’eut que le temps de grimper sur le toit, ce qu’elle fit avec beaucoup de peine, n’en ayant pas encore l’habitude.

On attendait toujours le retour de Rosalie, pensant qu’elle ramènerait Zoé, ou que du moins elle rapporterait de ses nouvelles ; mais Rosalie ne revenait point, elle n’osait reparaître devant sa maîtresse.

Madame Épernay appelait sa fille d’une voix déchirante. — Viens, mon enfant, disait-elle, je ne te gronderai pas ! — Puis elle parcourait toutes les chambres de la maison, la cour, le jardin ; elle interrogeait tout le monde : elle, ordinairement si