Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 3.djvu/322

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
314
ZOÉ, OU LA MÉTAMORPHOSE.

possible, et dès qu’elle fut hors d’atteinte des coups de la terrible Rosalie, elle alla se blottir devant la porte de sa mère et attendit son réveil avec résignation. — Malgré ma triste métamorphose, pensa-t-elle, maman saura me reconnaître ; oh ! j’en suis sûre, elle me devinera, elle me comprendra, elle qui m’entendait si bien quand je ne savais pas encore parler… Si je pouvais seulement être près d’elle !… Elle m’aime tant ! elle empêchera qu’on ne me fasse du mal.


CHAPITRE CINQUIÈME.

UNE TRISTE FÊTE.


Tandis que Zoé était là encore toute tremblante, elle vit arriver ses deux petites cousines, bien habillées, bien jolies, marchant sur la pointe du pied et tenant un gros bouquet dans leurs petites mains.

— Ma tante n’est pas encore réveillée, dirent-elles ; nous venons lui souhaiter une bonne fête. Où est donc Zoé, qu’elle mette nos bouquets dans l’eau ?

— Mademoiselle Zoé doit être dans sa chambre, reprit le domestique, ne sachant rien de ce qui s’était passé.

— Ah ! s’écria l’aînée des cousines, je parie qu’elle travaille encore à sa pelote ! je disais bien, qu’elle ne serait pas finie pour la fête de ma tante ; mes manchettes, à moi, sont faites depuis huit jours.

En disant ces mots, la petite cousine montra une jolie paire de manchettes qu’elle-même avait brodées et dont elle venait faire présent à sa tante. Zoé voyait toutes ces choses, ces présents, ces bouquets, et son pauvre cœur saignait douloureusement. Ce n’est pas que de son côté elle fût en retard pour fêter aussi sa mère ; hélas ! sa pelote et son bouquet étaient préparés de la veille ; mais le moyen d’apporter tout cela avec ses grosses vilaines pattes de chatte !

En ce moment, elle se sentait bien malheureuse : mais ce n’était rien encore. Au bout d’une heure, sa mère sonna, et