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ZOÉ, OU LA MÉTAMORPHOSE.

— Non, mademoiselle, nous ne l’avons pas encore vue aujourd’hui.

— Zoé ! Zoé ! — Et Zoé courait dans l’escalier, et venait toujours à son nom ; elle s’apprêtait à entrer dans la salle à manger, lorsque sa bonne lui marcha sur la patte en s’écriant : — Ah ! mon Dieu, à qui donc ce gros vilain chat ? Veux-tu bien t’en aller ! Je n’aime pas les chats ; il n’y a rien que j’haï tant qu’un chat !… Pusch ! pouah ! pouah ! va-t’en ! — Et la pauvre Zoé fut obligée de s’en aller.

Comme elle descendait tristement l’escalier, son petit cousin sortit de la salle à manger, tenant une énorme tartine de confitures à la main ; c’était sa part du déjeuner, et il courait avertir sa cousine pour qu’elle vînt chercher la sienne. — Zoé ! Zoé ! criait-il ; ma cousine, viens donc vite déjeuner, il y a des confitures !

Zoé, oubliant qu’elle était devenue chatte, s’approcha de son cousin et voulut prendre la tartine ; mais le petit gourmand se mit aussitôt à crier comme si on l’écorchait : — Maman, maman ! un gros chat qui veut manger mes confitures !

La malheureuse chatte fut encore obligée de s’éloigner tristement, bien tristement, sans déjeuner. Elle alla se réfugier dans sa chambre et se coucha dans son lit, espérant qu’elle y serait en sûreté. Mais à peine venait-elle d’y entrer, que sa bonne revint : Elle rapportait la robe lilas toute fraîche et bien repassée, cette fatale robe qui avait causé tous ses malheurs. — Zoé, dit-elle, allons ; mademoiselle Zoé, ne faites pas la boudeuse ; venez vous habiller, votre robe est prête ; venez.

Rosalie cherchait la petite fille derrière la porte, dans tous les coins, imaginant qu’elle s’était cachée ; tout en cherchant et appelant de chaque côté, elle rangeait çà et là les divers objets qui se trouvaient dans la chambre, puis elle commença à tirer les rideaux pour faire le lit ; en levant la couverture, elle aperçut la grosse chatte : alors ce fut un train épouvantable. — Te voilà encore, vilaine bête ! s’écriait-elle. Qu’est-ce que tu fais là ? veux-tu bien t’en aller !… — Et les pusch ! pouah ! pusch ! pusch ! de recommencer, le tout avec accompagnement de coups de pied et de manche à balai.

Zoé, tout effrayée, s’enfuit encore aussi vite qu’il lui fut