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ZOÉ, OU LA MÉTAMORPHOSE.

mais elle miaula faux ; car le sorcier, qui n’avait jamais fait d’autre chatte, n’avait pu lui donner une véritable voix comme celle des véritables chats : aussi ses tristes plaintes étaient-elles sans douceur.

On se rappelle que la dernière épreuve était celle de la chatte, avant d’arriver à la femme, et cette chatte manquée ne donnait pas grand regret pour la femme qui devait lui succéder ; il était probable qu’elle aurait été de même fort grossièrement créée, et que sa voix aurait eu peu de charme.

Quant à celle de la pauvre petite Zoé, elle ressemblait bien plus au gémissement d’une tabatière qu’on ouvre qu’aux miaulements d’une chatte, et le sorcier n’éprouva aucun plaisir à entendre cette voix fausse et plaintive qui lui faisait si peu d’honneur.

Pendant que Zoé gémissait, elle entendit dans la cour sa bonne qui l’appelait : — Zoé ! Zoé ! criait-on de tous côtés ; alors la pauvre enfant s’agita et bondit par toute la chambre dans une anxiété épouvantable.

— Ah ! ah ! cria le méchant sorcier avec un rire de démon, voilà que l’on t’appelle, ma belle petite chatte : va donc ! ta mère sera bien fière de te voir si bien habillée… va, va donc ! montre-lui ta nouvelle parure. Cette robe neuve te gêne un peu, n’est-ce pas, dans les commencements ? mais il faudra bien t’y accoutumer, car, je, t’en préviens, tu ne la quitteras que si jamais quelqu’un te dit : « Zoé, je te pardonne ! » et certes, maudite petite fille, ce ne sera pas moi.

Disant ces mots, le sorcier donna un coup de pied à la grosse chatte, qui s’enfuit dans la cour, où elle resta un moment tout étourdie.


CHAPITRE QUATRIÈME.

IL Y A DES PERSONNES QUI N’AIMENT PAS LES CHATS.


— Zoé ! Zoé ! le déjeuner est servi !

— Mademoiselle Zoé, madame vous appelle !

— Avez-vous vu mademoiselle Zoé, monsieur Péchar ? disait la femme de chambre au portier.