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ZOÉ, OU LA MÉTAMORPHOSE.

CHAPITRE DEUXIÈME.

LA ROBE LILAS.


Le même jour, à la même heure, une petite fille qui demeurait dans la maison voisine venait de se réveiller.

— Ma bonne, dit-elle, il fera beau aujourd’hui ; je ne veux plus mettre ma vieille robe noire, je veux mettre cette jolie robe lilas que ma tante m’a donnée.

— Mademoiselle, répondit Rosalie, votre robe lilas n’est pas encore repassée, je n’ai pu la savonner qu’hier.

— Eh bien, repassez-la ce matin, repartit Zoé d’un ton impérieux.

— Mademoiselle, cela m’est impossible ; il n’y a pas encore de feu allumé nulle part dans la maison.

— Bah ! s’écria la petite volontaire, vous avez toujours de bonnes raisons pour ne pas faire ce qu’on vous demande.

En disant cela, Zoé se leva et descendit dans la cour. Elle aperçut du feu dans la grande cheminée du sorcier, qui demeurait en face, et qui s’était vu contraint d’entr’ouvrir la porte de son laboratoire pour n’être pas étouffé par l’odeur que répandait la grande quantité de charbon qu’il y brûlait.

Zoé était une petite effrontée qui ne doutait de rien ; nulle démarche ne lui coûtait lorsqu’il s’agissait de satisfaire ses caprices. Elle traversa, sans être vue, la grande cour qui la séparait du sorcier, sauta légèrement le ruisseau de la rue, où on lui défendait pourtant bien d’aller toute seule, et elle pénétra hardiment dans le mystérieux laboratoire.

À l’aspect du vieillard immobile, elle recula soudain épouvantée, car il avait l’air extrêmement méchant, quoiqu’il fût endormi et fatigué. Mais bientôt cette crainte se dissipa, et Zoé s’approcha de la cheminée ; il n’y avait de feu que dans le fourneau, et pour dérober quelques charbons allumés, il fallait pousser un peu de côté le poêlon qui était dessus, ce que Zoé fit avec beaucoup d’adresse. Elle s’était munie d’une pelle, et quoiqu’on lui eût aussi bien défendu de toucher au feu, elle se