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L’ÎLE DES MARMITONS.

elle avait toujours entendu parler de ce mets délicieux et jamais elle n’avait eu le bonheur d’en goûter. — Jeune enfant, s’écria-t-elle dans son enthousiasme, je te promets autant de beignets d’or qu’il en tiendrait dans une chaudière, si tu peux me faire goûter un plat de macaroni.

— Rien ne me sera plus facile, grande reine, répondit Cesaro avec une audace inconcevable ; je m’engage à servir sur la table de Votre Majesté le meilleur plat de macaroni qui ait jamais été servi au banquet du roi des Deux-Siciles… Je demanderai seulement à Votre Majesté de m’accorder trois jours pour me procurer les divers ingrédients…

— Trois jours ! répondit la reine, c’est bien long pour mon impatience ; mais n’importe, je te les accorde ; va donc et ne perds pas un instant.

Alors on conduisit Cesaro dans les cuisines du palais ; en traversant les cours, il remarqua que ce palais avait la forme d’un biscuit de Savoie, ce qui ne le surprit nullement.

Toutefois, le jeune duc ne laissait pas d’être inquiet ; s’il avait souvent mangé des macaronis chez son père, il n’en avait jamais accommodé, et il s’effrayait de l’entreprise où son audace l’avait entraîné. Il regrettait de s’être engagé si imprudemment ; il sentait que s’il ne réussissait pas, les plus grands périls le menaçaient. Quoique bien jeune, Cesaro savait déjà que sa faveur avait été trop prompte et trop grande pour que sa disgrâce ne fût pas terrible. L’accueil si flatteur qu’il avait reçu de la reine Marmite avait déjà éveillé la jalousie des courtisans ; il prévoyait que toute la cour serait appelée à goûter ses macaronis, et que, s’il les manquait, il était perdu.

Ces réflexions fort raisonnables l’alarmaient singulièrement ; d’un autre côté, l’idée d’acquérir en un moment une somme si considérable le transportait de plaisir. La moitié de cette somme suffirait pour doter sa sœur, sa chère Teresina ; elle ne serait plus réduite à se renfermer dans un couvent ; elle pourrait épouser le jeune prince de Villaflor, qu’elle aimait sans oser se l’avouer à elle-même ; elle serait enfin riche et heureuse.

Teresina heureuse ! cela était bien séduisant pour Cesaro. N’était-ce pas là tout ce qu’il avait désiré ? Ces grands périls,