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L’ILE DES MARMITONS.

mait Aveline, Noisette, Amanda. Il n’était pas rare de rencontrer de belles jeunes filles qui s’appelaient Pomme-d’amour. Les femmes du commun se nommaient Carotte, au lieu de Javotte ; les garçons de ferme, Poireau, au lieu de Pierrot. On était accoutumé à cela et cela ne paraissait point ridicule.

Les grands noms de famille, au lieu d’être des noms de terre ou de guerre, étaient presque tous des termes de cuisine ; il en était de même des grandes dignités du gouvernement : le vicomte des Fourneaux était ministre cuisinier d’État au département de l’intérieur ; l’amiral Turbot était ministre cuisinier d’État au département de la marée ; le baron de Lèchefrite, réfugié allemand, était au ministère des affaires étrangères ; le général de la Lardoire au ministère de la guerre ; le marquis de la Crémaillère au ministère des finances ; et le peuple, qui était fort malin et qui aimait à plaisanter, ne restait pas un jour sans dire : — Eh bien ! quand pendrons-nous la crémaillère ?

Cesaro n’approuvait point du tout ces sobriquets, qui auraient paru de mauvaise compagnie dans tout autre pays ; mais comme il voyait clairement que c’était le bon ton de la cour, il résolut de l’imiter. Aussi, lorsqu’il fut présenté à la reine Marmite, et qu’elle lui demanda de quel pays il venait, au lieu de dire tout simplement : — Je viens de Naples, — il répondit qu’il arrivait du pays des macaronis.


CHAPITRE SIXIÈME.

GRANDES INQUIÉTUDES.


La reine fut si touchée de cette gentille flatterie, qu’elle ordonna qu’on lui comptât sur-le-champ soixante beignets d’or (c’était la monnaie du royaume) ; excellente monnaie, je vous jure, car ces beignets étaient aussi larges et presque aussi épais que de véritables beignets, et les plus grands sequins de Turquie auraient paru des pastilles en comparaison de cette monnaie-là !

La reine Marmite, au seul mot de macaroni, se sentit émue ;