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L’ILE DES MARMITONS.

sais ramer, et je le conduirai pour rien. Le fils du duc de San-Severo n’est pas encore si ruiné qu’il ne puisse rendre service à un pauvre sire tel que toi.

Cesaro répondit cela parce qu’il avait beaucoup d’orgueil, mais le fait est qu’il était enchanté de trouver une occasion de se promener un peu sur mer, plaisir dont il était privé fort souvent. Il s’élança dans la barque, s’assit sur un des bancs, appuya ses pieds sur le dos du pêcheur qui dormait, saisit les rames et bientôt la barque disparut.


CHAPITRE DEUXIÈME.

GRAND PÉRILS ET PETITS VOYAGEURS.


Le soleil était brillant et la mer était toute parsemée d’étincelles. Cesaro, à mesure qu’il s’éloignait du rivage, sentait son cœur moins oppressé ; il éprouvait une joie si pure en admirant son beau pays, qu’il aimait tant !

Il n’y avait dans le ciel d’autre nuage que la fumée grise qui s’échappait du Vésuve ; Naples et son riche amphithéâtre de maisons blanches descendant jusqu’à la mer, avec ses terrasses couvertes de treilles et d’orangers, semblait de loin un colossal escalier de jardins, une immense cascade de fleurs. De grands vaisseaux, parés de toutes leurs voiles, se balançaient sur les flots ; c’était un spectacle admirable, et il fallait être aveugle ou criminel pour n’être pas heureux en ce moment. Cesaro oubliait ses chagrins, et s’enivrant d’une espérance vague, il ne pouvait se défier de la bonté de Dieu, qui avait créé une nature si belle : aussi, malgré tous ses malheurs, en ce moment il aimait la vie.

Cesaro ramait avec agilité ; le petit joufflu n’admirait rien, ne faisait rien, et se plaignait à chaque instant de la chaleur. Quant au jeune lazzarone, il dormait, se croyant encore à Naples, et sans se douter que c’était dans sa barque et avec lui qu’on voyageait.

Tout à coup, comme ils s’avançaient en pleine mer, le vent