Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 3.djvu/285

Cette page a été validée par deux contributeurs.
277
NOÉMI, OU L’ENFANT CRÉDULE.


CHAPITRE QUATRIÈME.

L’INCRÉDULITÉ.


Noémi voyagea quelque temps avec son père ; on la mit plusieurs mois en pension, et comme partout on se moqua de sa crédulité, elle finit par la perdre entièrement.

À sa pension, on racontait souvent, et en riant d’elle, comment elle avait pris son père pour un ogre ; comment elle voulut un jour causer sérieusement avec un chien, et mille autres niaiseries que son ignorance lui avait fait dire ; alors elle en conclut que la crédulité était une chose ridicule, et elle tomba dans le défaut contraire : elle douta de tout, des vérités les plus positives, et ce nouveau travers, bien plus dangereux que l’autre, l’entraîna dans une quantité de dangers et de malheurs.

D’abord, on s’amusa de ce nouveau défaut. On avait ri de lui voir ajouter foi à des choses impossibles ; on rit encore de ce qu’elle refusait de croire à des choses véritables.

— Plante ce noyau de cerise, lui disait-on, et il poussera un cerisier à cette place ; — ou bien : — Enferme cette chenille dans une boîte et tu auras un beau papillon.

Noémi levait alors les épaules d’un air malin : — Vous vous moquez de moi, répondait-elle ; mais à présent je ne crois plus à tous ces mensonges-là.

Si une grande personne lui disait : — Quand tu seras grande comme moi, tu feras telle ou telle chose…

— Moi, grande ! reprenait-elle ; oh ! je sais bien que je serai toujours petite ; comment serait-il possible que je grandisse ?

Ainsi elle ne pouvait pas s’imaginer que l’on grandît jamais ; elle croyait que les hommes étaient comme les oiseaux ; qu’il y en avait de grandes espèces, mais que les enfants restaient toujours de petits hommes, comme les colibris restent toujours de petits oiseaux.

Un jour, des maçons étaient venus réparer un mur dans le jardin, et ils y avaient creusé un trou rempli de chaux.

— Prends bien garde, dit-on à Noémi qui arrosait des fleurs