souviens très-bien, c’était le même ; je crois aussi que nous l’avons vu à Paris cet hiver, une fois, à cheval, aux Champs-Élysées, mais je n’en suis pas bien sûr.
— C’est quelque braconnier, dit madame d’Arzac. Depuis qu’elle devinait que ce pouvait être un Parisien, elle se désintéressait du sauveur mystérieux.
— Est-il jeune ou vieux ?
— Jeune, répondit Gaston.
— Grand ou petit ?
— Ni grand ni petit.
— De quelle couleur sont ses cheveux ?
— Il avait un chapeau gris.
— Alors tu n’as pas vu ses cheveux ?
— Si, son chapeau est tombé quand il m’a mis dans l’arbre.
— Eh bien, est-il brun ou blond ?
— Je ne sais pas ce que c’est.
— Comment ! tu ne sais pas ce que c’est que d’avoir les cheveux noirs comme ton cousin Étienne ?
— Ah ! si, je comprends ; il n’a pas les cheveux noirs.
— Alors il les a blonds comme toi, comme ta mère ?
— Non, il n’a pas des cheveux comme moi ; il a des cheveux… — il s’arrêta et regarda autour de lui — de la couleur de la robe de grand’maman !
Tous les regards se portèrent avec avidité sur cette robe… elle était couleur grenat ou dahlia cramoisi. On se mit à rire.
— Mais, Gaston, dit madame de Méuilles, il n’y a pas de cheveux de cette couleur-là.
— Vous méritiez bien cette belle réponse, dit madame d’Arzac ; quelle idée de demander à un enfant, à un petit garçon, une couleur quelconque ! les enfants ne connaissent pas les couleurs ; ils les confondent toutes ensemble, et les hommes font bien souvent comme eux. J’ai entendu l’autre jour un flatteur aimable dire avec beaucoup de grâce à une jeune femme en deuil qui avait une robe grise : « Vous avez là, madame, une robe d’un bleu charmant… » Elle était furieuse.
Le garde-chasse passa devant les fenêtres du salon ; Marguerite lui fit signe de venir.