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PRÉFACE.


J’avais commencé ce livre, mes chers neveux, il y a plusieurs années, à l’époque où le sort d’une bonne vieille fille me faisait envie, alors que j’avais juré de ne jamais me marier. Ne voyant que des neveux, dans tout mon avenir, je m’étais consacrée à vous en idée ; et comme je n’eus que de doux moments dans mon enfance, c’est avec vous que je voulais la recommencer.

Je n’ai point renoncé à l’ancien titre de cet ouvrage (quoique j’aie renoncé au nom de vieille fille), parce que, mes chers neveux, le langage que je vous parle dans ces Contes n’est point le langage d’une mère ; il n’a point la dignité convenable à ce noble rôle. Jamais une mère n’oserait dire tant de folies à ses enfants.

Non, ce livre ne convient qu’à une tante ; il y a tout juste la petite morale entortillée, le timide sermon d’une autorité balancée, l’inutile et faible conseil d’une voix qui sait n’être pas écoutée. Ma morale craintive se cache, en riant, sous des torrents de plaisanteries : c’est le rire niais des gens qui ont peur ; c’est l’humilité des pauvres qui sollicitent, et qui, pour être admis quelque part, permettent qu’on s’y moque d’eux.

Je ne dis point comme tous ceux qui ont écrit pour les enfants : « J’ai médité longtemps sur le caractère des enfants ; ma vie a été une constante étude de ces intéressantes créatures. » Je ne dis rien de tout cela ; je dis : J’ai été enfant ; et comme personne ne peut me contester cet avantage, je m’en fais un droit, pour me rappeler les émotions de cet âge heureux, et vous parler comme si j’y étais encore.

Je n’écris point pour corriger l’enfance en masse et la guider dans une voie nouvelle ; je ne vous dirai point : « L’étude des bons livres forme le cœur, une lecture saine nourrit l’esprit. » Je vous défendrai même de lire ce livre si vous êtes bien portants ; s’il fait beau, si le soleil brille, vous pourrez courir dans le jardin, galoper sur un âne, jouer à la corde, à la