médiocrement d’effet. Il s’abstint donc de toute démarche sentimentale qui, dans ces graves circonstances, aurait semblé de mauvais goût. Mais le bruit s’étant répandu que M. de Bastan était hors de danger, M. de Lusigny jugea le moment favorable pour écrire à Léontine. Il faut être juste, cette fois son petit billet était charmant, c’était un chef-d’œuvre d’esprit, de grâce, d’élégance. M. de Lusigny avouait tous ses torts avec une bonhomie adorable, et, chose étrange ! il prouvait son innocence en les avouant. Comme cette fois il était sincère, il redevenait spirituel, car les gens d’esprit sont ceux qui disent le plus de bêtises quand ils mentent. Enfin, ce billet était si aimable qu’il aurait pu ramener toute autre femme que Léontine ; mais, avec le bonheur, elle avait retrouvé sa gaieté malicieuse, et elle ne répondit à cette lettre si tendre que par ce plaisant adieu :
« En revenant l’autre jour de Saint-Germain, j’ai attrapé un affreux coup de soleil qui m’a toute changée ; à mon tour, je ne veux pas vous voir. »
» Mille regrets. »
Peu de jours après, M. de Lusigny reçut un billet qui lui faisait part du mariage de madame Charles de Viremont avec M. Hector de Bastan.
En apprenant cette nouvelle, il se dit :
— Je me suis trompé… je ne comprends rien à cette femme-là.
Et comme en réalité il regrettait beaucoup madame de Viremont, il n’a pu rester à Paris, et il vient de partir pour un long voyage en Orient.
Ainsi, le séducteur manqua de séduire pour n’avoir pas voulu un moment cesser de paraître séduisant. Ce terrible vainqueur avait trouvé son maître ; une femme enfin s’était jouée de lui. D’où venait donc la puissance de cette femme ? Qui lui avait donné la force de lutter avec un tel adversaire et de pénétrer d’un seul regard dans les profondeurs de cet égoïsme ? Qui avait donné à son esprit une si merveilleuse expérience ? — Le malheur ! — Qui avait donné à ses yeux cette perspicacité infaillible ? — Les larmes ! — Un violent chagrin, pour une jeune femme, est une vieillesse anticipée, et, il faut