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OU DEUX AMOURS

demander des nouvelles de son pauvre enfant ; dites-lui que si je n’étais pas malade, j’irais la voir moi-même… Allez vite.

La morsure était légère ; mais tout faisait craindre que la louve ne fût enragée, et l’on était très-inquiet. Le garde-chasse avait beau dire qu’il n’avait jamais vu de loup enragé au mois de septembre, on ne se rassurait pas. Cette année-là a été une année extraordinaire : les feuilles de certains arbres ont poussé deux fois ; on prétend qu’il y a eu deux générations d’insectes, et le premier jour de septembre était aussi chaud que le 27 juillet le plus révolutionnaire et le plus torride.

On s’aperçut aussi que la louve avait la moitié d’un pied emporté : elle s’était prise à un piège. On retrouva, quelques jours après, le piège dans un fourré, à quelque distance d’une grotte célèbre dans le pays, et qu’on a surnommée l’Auberge aux loups, parce que les loups s’arrêtent souvent dans cet antre quand ils voyagent d’une forêt à l’autre.

Gaston, tout fier d’être interrogé et écouté avec intérêt, recommença son récit pour sa grand’mère, qui venait de rentrer au château ; elle était allée faire quelques visites chez des voisins. Elle fut épouvantée en songeant à l’émotion que sa fille avait dû éprouver ; elle embrassa Gaston moitié avec joie, moitié avec colère. — Ces vilains enfants, dit-elle, ça n’est bon qu’à vous donner des plaisirs comme celui-là, et tous les jours ils inventent quelque chose de nouveau !… Peu s’en fallut qu’elle ne grondât Gaston, qui était pourtant bien innocent. — C’est mon brave Travay qui a tué la louve ? demanda-t-elle.

— Non.

— C’est le père Mortier ?

— Non.

— Qui est-ce donc ?

— Un chasseur qu’on ne connaît pas et qui se trouvait là par hasard.

— Par hasard n’est pas tout à fait le mot, dit quelqu’un ; voilà plus de huit jours que ce monsieur rôde aux alentours du château ; la petite Geneviève l’a vu hier encore assis au pied du gros châtaignier ; elle m’a même dit : Il étudiait dans un livre.

— Je me rappelle, dit Gaston, qu’il était à la fête de Mazerat : c’est lui qui m’a demandé des nouvelles de maman. Je m’en