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— Qu’avez-vous donc ? dit Léontine avec bonté ; a-t-on reçu quelque mauvaise nouvelle ?

— À présent, je vois bien qu’on ne peut plus rien cacher à madame…

— Qu’est-il donc arrivé ?

— Depuis trois jours, M. de Bastan est bien mal…

— Hector ! s’écria Léontine.

— Il a une fièvre cérébrale ; il ne veut pas qu’on le saigne… Le médecin dit qu’il n’y a plus d’espoir.

Avant que ces derniers mots fussent achevés, Léontine était déjà auprès de sa belle-sœur.

Madame Albert aimait tendrement son frère… l’idée de le perdre lui brisait le cœur.

— Mon pauvre Hector ! disait-elle, que deviendrai-je sans lui ? Si jeune ! à vingt-deux ans ! mourir… C’est affreux !

— Mais de quoi meurt-il donc ? s’écria Léontine qui venait d’entrer.

Madame Albert releva la tête à cette voix ; puis, comme une personne qui n’a plus de ménagements à garder, elle répondit :

— Il meurt de chagrin… ne le savez-vous pas ?

— Hector ! malheureux !… et pourquoi ?

— Que vous importe ? vous aimez un autre, et…

— J’aime un autre ! interrompit Léontine les yeux brillants de colère. Ne croyez pas cela, je n’aime personne !

— Oh ! venez donc le lui dire ! venez le sauver !… Il vous aime tant !

Et madame Albert entraîna Léontine dans l’appartement d’Hector. Le pauvre malade était loin de s’attendre à une si douce visite ; on lui avait dit, pour le rassurer, que madame Charles de Viremont était absente, car souvent il s’écriait : — Je ne veux pas qu’elle me voie mourir !

Son découragement était profond, et sans la fièvre qui l’exaltait, on aurait pu le croire insensible. Sa pâleur était extrême, ses traits contractés étaient méconnaissables.

Léontine, à sa vue, sent son âme bouleversée ; elle s’arrête et s’appuie sur le marbre d’une console, elle a peine à se soutenir. Madame Albert s’approche de son frère, elle lui parle avec vivacité ; à ses paroles, Hector se ranime, il lève les yeux