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d’hui nous avions ici une grande solennité. Telle que vous me voyez, je viens d’une noce ; je suis allée voir comment on doit se comporter le jour où l’on marie son fils ; j’ai voulu prendre une leçon.

Madame de Lusigny sourit gracieusement en disant cela, et Léontine rougit. Cependant cette allusion lui rendit un peu de courage :

— Je suis bien charmée, madame, dit-elle, de vous trouver si joyeuse ; je craignais qu’il ne vous fût arrivé quelque… malheur.

— À moi !… grâce au ciel, il ne m’est rien arrivé de fâcheux. Qui vous a fait croire cela ?

— Monsieur votre fils…

— Mon fils !… mais il a dû avoir l’honneur de vous voir hier, je pense ?

— Je ne l’ai pas vu depuis huit jours ; lui-même m’a écrit que la raison qui l’empêchait de venir était fort triste et qu’il ne pouvait me la dire…

À ces mots madame de Lusigny partit d’un grand éclat de rire, et Léontine resta stupéfaite.

— Ah ! ah ! ah ! le tour est parfait, disait madame de Lusigny en riant toujours plus fort ; je le reconnais bien là !…

Elle se repentit d’avoir laissé échapper cette naïveté.

— Mon fils n’a pas le sens commun, reprit-elle ; quel enfantillage !… Mais il faut lui pardonner ses torts en faveur du motif qui les a fait commettre ; c’est parce qu’il vous aime trop, qu’il vous aime à la folie, que… par faiblesse, il n’a pas voulu risquer de vous déplaire un seul jour.

— Je ne vous comprends pas, madame, dit Léontine avec une extrême froideur ; cette gaieté lui était insupportable. Veuillez m’expliquer pourquoi M. de Lusigny me laisse depuis huit jours m’inquiéter sur ses infortunes prétendues ?

— Parce qu’il préfère cent fois que vous le croyiez malheureux plutôt que de vous paraître ridicule.

— C’est très-charitable, et je le remercie.

— Ne vous fâchez pas ; il était bien contrarié, bien désolé, je vous jure ; avoir l’espérance d’une soirée si charmante passée près de vous, et se voir tout à coup forcé de renoncer à