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n’était pas venu depuis très-longtemps, que Léontine ne semblait pas du tout s’occuper de lui ; Hector répondait :

— Tu dis cela pour me consoler, mais moi je sens bien qu’elle l’aime.

Quand Léontine demandait de ses nouvelles, on lui promettait qu’elle le verrait le soir même. Et le soir, comme elle s’étonnait qu’il ne fût pas venu, on prétendait qu’il n’avait pas voulu descendre dans le salon parce qu’il y avait du monde et qu’il lui aurait fallu s’habiller.

Léontine ne s’alarmait donc nullement de cette maladie qui paraissait n’inquiéter personne, et dont la cause lui semblait fort peu intéressante.

Le médecin trouva Léontine très-affectée, et il ordonna pour cette affection improvisée qu’il reconnut sans hésiter, et qu’il baptisa d’un nom scientifique très-élégant, toutes sortes de potions, de lotions et de décoctions que Léontine se promit aussitôt de ne pas prendre. Quand il eut écrit, signé et parafé son ordonnance, il se mit à exercer son métier de docteur à la mode : il raconta des histoires charmantes, il se montra plein d’esprit et d’originalité, il fut brillant, sémillant, très-savamment mondain et très-coquettement érudit ; aussi voyait-il avec orgueil, avec plaisir, sa belle malade se ranimer à ses discours. En effet, depuis un moment Léontine avait retrouvé ses fraîches couleurs, son sourire n’était plus nerveux et triste ; un peu d’espérance venait de rentrer dans son cœur. Le secret de ce changement le voici : après une demi-douzaine d’anecdotes plus piquantes les unes que les autres, l’aimable docteur avait raconté une cure merveilleuse, opérée par Pétroz sur un sujet dont toute la Faculté avait désespéré. Il s’agissait d’une petite fille, belle comme un ange, défigurée par un mal affreux, et que le célèbre docteur avait guérie avec ses poudres, sans opération et, pour ainsi dire, par miracle. Comme Léontine et sa belle-sœur s’étonnaient à ce récit, le bienfaisant conteur ajouta :

— Mais vous saurez cela mieux que moi, mesdames ; vous devez connaître cet enfant, ou du moins sa mère…

Et il nomma justement cette jeune femme qu’on accusait d’être venue à Paris pour voir M. de Lusigny.