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pas aujourd’hui chez vous, parce que je vais m’amuser ailleurs ; imitez-moi. »

Léontine, en lisant cette charmante lettre, éprouva le plus violent dépit. Pour cacher sa mauvaise humeur, elle demanda des nouvelles d’Hector.

— Il est beaucoup mieux, répondit madame Albert en s’efforçant de sourire ; il espère descendre ici un moment ce soir.

Ces mots devaient rassurer Léontine et l’empêcher de penser à soigner Hector.

Léontine passa une journée mortellement triste. Toutes les personnes qui vinrent la voir lui déplurent. Elle n’écoutait pas ce qu’on lui disait, et si par hasard elle l’avait entendu, elle comprenait le contraire et faisait des réponses folles. Vers la fin de la journée, on annonça M. T…, un jeune peintre fort distingué qui partait le soir même pour la Russie et qui venait lui faire ses adieux.

— J’ai plusieurs amies à Saint-Pétersbourg, dit Léontine, puis-je vous être utile auprès d’elles ?

M. T… remercia respectueusement madame de Viremont. — Il était déjà, disait-il, vivement recommandé aux personnes les plus influentes de la cour par M. de Lusigny, qui avait eu la bonté…

M. de… Lusigny ? interrompit Léontine.

— Oui, madame ; il vient de me donner ses commissions pour la Russie, et il a bien voulu…

— Vous venez de chez lui ?

— À l’instant même.

— Vous l’avez vu ?

— Je n’ai pas osé le déranger, ne pouvant rester qu’un moment, mais je l’ai prié de me faire remettre le paquet que je dois porter de sa part à la princesse W…, et il me l’a tout de suite envoyé, ainsi que plusieurs lettres de recommandation très-honorables et très-flatteuses pour moi.

— Il y a longtemps que votre voyage est décidé ?

— Le voyage est projeté depuis deux mois, mais le départ n’a été résolu que ce matin.

Il n’y avait plus moyen de se faire illusion : le mensonge était flagrant. Dès que Léontine fut seule, elle médita sur celle