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leur faisait pitié. Ce qu’il éprouvait est impossible à peindre : c’était la plus poignante des jalousies ; la jalousie humble, le désespoir d’un pauvre cœur qui souffre, qui souffre horriblement, et qui ne se reconnaît pas même le droit de souffrir ; l’agonie d’un misérable qui meurt, qui se meurt d’amour, et qui ne trouve pas même qu’il soit digne de mourir d’un si noble amour ; qui se fait un remords de sa douleur, et qui nomme son désespoir un égoïsme honteux.

— Elle l’aime, s’écriait Hector dans son délire, elle l’aime ! eh bien, n’a-t-elle pas raison de l’aimer ? n’est-ce pas juste qu’elle choisisse cet homme que tout le monde admire ! cet homme jeune, spirituel, riche et digne d’elle ?… Hélas ! oui, digne d’elle. Est-ce à moi de m’en affliger ? puis-je prétendre à un tel bonheur ? l’ai-je rêvé jamais ? Ai-je donc le droit d’exiger qu’elle passe toute sa jeunesse dans l’isolement, dans la douleur, parce que moi je ne mérite pas son amour ?

Sa sœur pleurait en le voyant se désoler ainsi ; alors il lui prenait les mains et la suppliait de se calmer. « Oh ! je t’en prie, s’écriait-il, ne parle pas de moi à Léontine ; elle est si bonne ! elle aurait tant de chagrin si elle me savait malheureux ! »

Mais Léontine, à cette heure, ne songeait point à lui ; elle attendait avec impatience le moment où elle espérait avoir enfin des nouvelles de l’incompréhensible séducteur.


VIII.


— Y a-t-il des lettres pour moi ? demanda Léontine aussitôt que sa femme de chambre entra chez elle, le matin.

— Oui, madame ; voici une lettre qu’on vient d’apporter à l’instant.

Et madame de Viremont, d’une main tremblante, prit un petit billet coquettement plié et doucement parfumé, qui ressemblait fort à un message d’élégant. Léontine attendit qu’elle fût seule pour lire ces tendres excuses. Elle ne connaissait