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liée naturellement avec l’oncle de Léontine. Elle se trouvait chez lui au moment où les convives parisiens arrivèrent. Léontine la reconnut aussitôt à sa ressemblance avec son fils : c’était le même sourire, le même regard, la même voix. Madame Charles de Viremont, étonnée, interrogea des yeux son oncle, qui aussitôt la conduisit vers madame de Lusigny en disant :

— Venez, ma nièce, que je vous présente à l’aimable voisine qui veut bien m’aider à faire les honneurs de la maison.

Madame de Lusigny voulut dire quelques mots gracieux, mais elle était si émue qu’elle ne put prononcer une parole ; elle regarda Léontine et ses yeux se remplirent de larmes. Oh ! que cette émotion d’une mère était éloquente ! n’était-ce pas là le plus touchant des aveux ! Quel séducteur saurait trouver jamais un langage plus entraînant que cette émotion, que ce trouble impossible à feindre, cette tendresse involontaire, cette curiosité affectueuse, cet empressement mêlé de crainte, cette admiration mêlée de respect d’une mère passionnée dont le regard, en s’attachant sur vous, semble dire : Voilà la femme qui est aimée de mon fils !

Léontine comprit dès ce moment que l’amour de M. de Lusigny était sérieux, et qu’elle ne devait plus s’en offenser. Elle se laissa entraîner au plaisir d’entendre parler de cet homme incompréhensible ; elle écouta de bonne grâce tout ce que sa mère se plut à raconter de lui. C’étaient des mots très-spirituels qu’il avait dits dans son enfance, des coups de tête effrayants qu’il avait faits dans son adolescence, des aventures inouïes qu’il avait eues en Italie et en Espagne, des succès incroyables qu’il avait obtenus en tous pays ; et puis, des traits de générosité, de courage, des actions superbes et des faiblesses adorables, toutes choses qui n’avaient pas le sens commun, mais qui étaient racontées avec esprit, avec émotion surtout, et qui paraissaient charmantes. Madame de Lusigny et Léontine passèrent ainsi la journée dans le jardin à causer tranquillement… non pas, mais agréablement, pendant que les autres convives s’amusaient à grands cris dans la forêt. Ce long entretien, dans la solitude, avait fait d’elles deux anciennes amies ; et, vers la fin du jour, lorsque M. de Lusigny,