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cheval du bois de Boulogne, en passant sur la place Louis XV, reconnut les chevaux et le cocher de mesdames de Viremont, et voyant sur le devant de la calèche une si grande provision de tulipes, il pensa qu’elle devait servir aux parures du soir et il devina la nouvelle épreuve qu’on lui préparait. Il ne fallait pas être sorcier pour cela.

Ces combinaisons de troubadours, ces ruses de bergers ne vous semblent-elles pas bien puériles, bien indignes d’un siècle aussi sérieux que le nôtre ? Voilà pourtant à quoi ceux qui s’amusent dans le monde passent leur temps… Que font donc ceux qui ne s’y amusent point ?

À dater de ce moment, Léontine ne porta plus de bouquet ; elle paraissait fâchée. M. de Lusigny respecta cette colère, et il resta huit jours sans se montrer nulle part. Alors madame Charles de Viremont commença à s’ennuyer. Et M. de Lusigny respecta aussi cet ennui.

Enfin, après un temps convenable, quand il jugea que madame de Viremont s’était assez ennuyée pour trouver un très-grand plaisir à le revoir, il imagina une rencontre singulière, imprévue, qui devait être décisive.

Ô femmes ! vous ne savez pas tout ce qu’il y a pour vous de danger dans ce projet innocent qu’on appelle une partie de campagne !…


VI.


Nous avons déjà dit que mesdames de Viremont avaient un oncle, grand amateur de politique, et que M. de Lusigny avait un soir si parfaitement bien supporté la politique de cet oncle qu’il s’était fait de lui un ami dévoué. Ce digne vieillard se nommait Jean, comme c’est le devoir de tout oncle bon et loyal qui ne se nomme pas Pierre. M. de Lusigny lui persuada de se souhaiter sa fête à lui-même en réunissant dans sa maison de campagne toute sa famille la veille ou le jour de la Saint-Jean. Le chemin de fer conduisait à cette charmante villa, située aux environs de Saint-Germain. Il fut convenu que le