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passées si doucement ; j’aurais demandé à ce monsieur raison d’une telle offense, et…

— Et ce monsieur, interrompait la tante, ce monsieur, qui est un fat, j’en conviens, mais qui est aussi un adversaire très-brave et très-adroit, vous aurait désarmé sans vous blesser, mon cher neveu, et tout le monde se serait moqué de vous… et de votre tante.

— Quant à moi, reprenait une ancienne amie de M. de Lusigny, je suis persuadée qu’il est innocent de ce grand crime ; il y a là-dessous un quiproquo. Ce mauvais chanteur a un frère qui a beaucoup de talent, et que M. de Lusigny a entendu à Naples comme nous : il aura amené le frère qui chante mal, croyant amener celui qui chante bien. C’est une erreur dont il a été le premier la dupe, je le parierais.

— Ah ! madame, disait-on, que vous êtes une excellente amie !

— Eh bien, oui, reprenait cette femme, j’ai pour M. de Lusigny une véritable affection ; on a beau médire de lui, je ne lui connais pas un défaut. J’entends parler sans cesse de sa profonde duplicité, et je l’ai toujours trouvé d’une loyauté et d’une délicatesse admirables. On l’accuse d’être égoïste, et je suis entourée de toutes sortes de gens qu’il a obligés. On le croit un monstre, un être dénaturé, et je le vois près de sa mère plein de tendresse et de respect. On l’a soupçonné de vouloir se rattacher au gouvernement actuel, et vous savez au contraire qu’il a refusé nettement toutes les offres qui lui ont été faites.

— Ah !… sa conduite politique est irréprochable, il n’y a qu’un avis là-dessus, s’écriait chacun aussitôt.

— Eh bien, alors que lui reprochez-vous ?

— Sa légèreté auprès des femmes…

— Ah ! nous y voilà, vous voulez dire ses succès. En cela je ne le défends plus ; j’en conviens, M. de Lusigny plaît aux femmes beaucoup trop facilement ; c’est un grand tort, et je comprends qu’on ne puisse le lui pardonner : toutefois, messieurs, je vous souhaite d’être coupables aussi souvent que lui.

Madame Charles de Viremont écoutait ces discours, et il en résultait pour elle cette opinion : M. de Lusigny est un homme