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mesdames de Viremont devaient aller après avoir fait encore une ou deux visites. On parla de cette fête et des beautés célèbres qu’on y verrait. Tout à coup, M. de Lusigny se rappela qu’il avait promis de conduire à ce même bal un de ses amis et que cet ami l’attendait. Il partit mystérieusement, comme c’est l’usage.

À peine eut-il quitté le salon, que la duchesse demanda en riant à mesdames de Viremont si elles étaient en guerre avec M. de Lusigny.

— Je ne l’ai jamais vu ainsi, ajouta-t-elle. Avant que vous vinssiez, il était gai, brillant, il nous contait vingt folies ; dès que vous avez paru, il est devenu rêveur et il n’a plus dit un mot.

— Quoi ! reprit vivement madame Charles, c’est là M. de Lusigny ?…

— Sans doute, c’est lui ; vous ne le connaissiez donc pas ?

— Non, c’est la première fois que je le rencontre, répondit la jeune femme en s’attristant malgré elle.

Il y avait toute l’histoire de sa vie dans la manière dont elle dit cela. C’était rappeler que depuis quatre ans elle avait quitté le monde, et pour quel malheur elle l’avait quitté.

— Mais j’ai bien souvent entendu parler de lui, continua-t-elle en s’efforçant de vaincre une émotion passagère, et j’avoue que je me l’étais figuré beaucoup moins sérieux. Je lui trouve un air respectable qui s’accorde peu avec sa réputation.

— Ne vous y fiez pas, dit quelqu’un ; les hommes si brillants dans le monde ne sont jamais plus dangereux que lorsqu’ils sont maussades.

— Comment cela ?

— C’est que rendre insupportable un homme charmant, c’est très-flatteur.

À cette plaisanterie, madame Charles de Viremont rougit tellement, elle parut si troublée, que cela nous donna beaucoup à réfléchir.

Une heure après, elle retrouva M. de Lusigny au bal, chez madame de M… ; car dans ce grand monde si varié on rencontre toujours les mêmes personnes. On a beau passer les