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OU DEUX AMOURS

t-elle en rougissant… — Pauvre femme, elle avait encore un peu de force pour rougir… — Je n’aurai de repos que quand je serai votre femme devant Dieu.

Elle se confessa, elle communia, et le lendemain, à dix heures, elle se fit porter dans son oratoire, qu’on avait disposé en chapelle, et où les témoins de son mariage et sa mère étaient réunis. Elle était si charmante et elle semblait si heureuse, qu’elle donnait de la confiance à tout le monde. Non, ce n’était pas une mourante, la mort n’a pas cette grâce, l’agonie n’a pas cette sérénité. Jamais Marguerite n’avait paru plus jolie. Ce long voile de dentelle qui l’enveloppait de la tête aux pieds, ces beaux cheveux qu’elle avait voulu tourner en deux grosses boucles et qui encadraient sa noble et douce figure, cet attendrissement profond qui troublait ses yeux, cette dernière ardeur d’un feu prêt à s’éteindre qui colorait ses joues fiévreuses, ce sourire d’amour qu’elle avait pour tous les êtres aimés qui l’entouraient et qui la flattaient de leurs fausses espérances, cet attrait de la mort si mystérieux et si puissant, donnaient à sa personne une beauté surnaturelle. Cet éclat nouveau avait, malgré toutes les craintes, quelque chose de rassurant : on ne pouvait pas croire qu’il fallût sitôt pleurer cette beauté rayonnante.

Pauvre Gaston ! en voyant sa mère si belle, il était déjà tout joyeux.

— Pourquoi donc me disait-on que maman était malade ? Voyez donc comme elle est contente ! disait-il.

La chapelle improvisée était admirable. Tout ce que le luxe et les arts peuvent imaginer pour parer un autel catholique avait été employé pour donner de l’éclat à cette douce et funèbre cérémonie. La Madone de Murillo dominait l’autel, recouvert d’étoffes précieuses et de riches dentelles ; de superbes candélabres dorés l’éclairaient ; de hauts camélias sortant de vases magnifiques l’entouraient de tous côtés de leurs rameaux en fleur. Marguerite, devant un prie-Dieu d’un travail plein de goût, était à genoux sur des coussins de velours rouge ; Robert était près d’elle… mais il était si pâle qu’il attristait tout le monde. Sans cette pâleur qui rappelait le malheur de la situation, on aurait eu de l’espoir ; sans sa pâleur