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OU DEUX AMOURS

Je comprends vos regrets, je comprends votre tristesse, mais j’aurai de la patience, j’attendrai avec courage que vos prétentions soient vaincues ! J’espère tout de votre justice. Si vous devez me punir, ce n’est pas par vos reproches que vous y parviendrez, je ne les mérite pas et je suis très-forte contre eux ; si vous voulez me blesser cruellement, parlez-moi d’Étienne ; le malheur d’Étienne, voilà mon profond chagrin !

— Étienne ! s’écria madame d’Arzac, il est bien bon, je ne le comprends pas… quand je vous accusais, dans mon indignation, il vous défendait !

— Cher Étienne ! — dit Marguerite en essuyant ses larmes.

— Savez-vous contre qui était sa colère ? Contre moi ! Il m’accusait de l’avoir trompé, de lui avoir dit que M. de la Fresnaye était parti et qu’il ne venait plus chez vous depuis quinze jours. Moi, je le croyais. Est-ce ma faute si ce comédien fait semblant de partir pour reparaître soudain et faire des coups de théâtre ? Est-ce qu’on peut prévoir ces scènes de mélodrame ?…

— Étienne me défendait !

— Il avait toutes sortes de bonnes raisons pour vous justifier. Cette générosité me faisait vous trouver encore plus coupable. Comment ! n’est-il pas allé jusqu’à me prier, me supplier de revenir à vous et d’être indulgente pour son rival !… Il a fini par me dire qu’il vous pardonnait tout le mal que vous lui faisiez, et qu’il se consolerait si Vous étiez heureuse.

Marguerite, à ces mots, fondit en larmes.

— Où est-il maintenant ? demanda-t-elle à travers ses sanglots.

— Il est parti hier soir… Il est chez MM. de Presles, à Bellerive. J’aurai de ses nouvelles demain.

— Et son père ?

— Le pauvre homme est désolé de ce bonheur perdu ; il dit que son fils en mourra. Ah ! son indignation contre vous est encore plus vive que la mienne… Mais j’ai promis d’aller passer la journée avec lui ; adieu !

Marguerite quitta sa mère le cœur bien affligé, et le souvenir d’Étienne l’attrista longtemps ; mais en rentrant chez elle, elle trouva Robert, qui lui apprit que, grâce à ses démarches, toutes les dispenses étaient obtenues, les bans publiés, et qu’ils