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MARGUERITE

et je n’aurai de repos que quand je serai votre femme. Ce n’est pas bien d’aimer comme je vous aime celui qui n’est pas encore votre, mari.

— Comment ! vous avez des remords ?…

— Oui !… Et le souvenir de ce moment la fit alors pâlir : Marguerite était sincère : elle sentait que ce moment l’avait livrée. L’amour sait bien mettre toute sa flamme dans un regard, il peut bien mettre toute sa passion dans un baiser.

Elle rejoignit, émue et tremblante, madame Rinaldi et les enfants. Elle prit Gaston par la main et le garda près d’elle. Elle se sentait si faible pour résister à Robert, qu’elle le fuyait avec une lâcheté héroïque. Elle avait une peur affreuse de se trouver seule avec lui, et toutes les peines qu’elle prenait pour retenir Gaston qui voulait aller jouer, pour entraîner d’une chambre à l’autre madame Rinaldi qui voulait rester tranquille, pour rappeler Teresa qui voulait aller s’habiller : tous ces efforts d’une faiblesse si franche irritaient M. de la Fresnaye, l’impatientaient, mais le faisaient rire et le rendaient encore plus amoureux.

Quand on fut réuni dans le salon du rez-de-chaussée, Marguerite, rassurée, osa regarder Robert et se permettre de l’aimer. Oh ! comme elle le trouvait charmant ! si distingué, si noble !… Elle le voyait là, entouré de tous êtres qui le chérissaient, qui le bénissaient, qui devaient leur bonheur, leur existence même à sa générosité, à son courage : c’était sa sœur Teresa, qu’il avait sauvée de la misère, et de la honte peut-être… ; c’était Gaston, qu’il avait sauvé des loups et de la rage ; c’étaient tous les vieux serviteurs de sa mère qu’il avait gardés près de lui et qui l’adoraient ; c’était enfin madame Rinaldi, qui ne tarissait pas en éloges sur lui, et qui terminait ses admirations par cette exclamation qui les résumait toutes pour elle : — Il est si bon et il est si beau !

Tout à coup, Gaston arriva en courant dans le salon ; il était rouge de plaisir, ses yeux étaient étincelants.

— Est-ce vrai, maman, ce que je viens d’apprendre ! dit-il bas à Marguerite, vous n’épousez plus mon cousin et vous allez vous marier avec M. de la Fresnaye ?

Ce mot : « vous n’épousez plus mon cousin, » rendit madame