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MARGUERITE

Elle espérait qu’il comprendrait ce mot, mais il n’eût pas l’air de l’entendre.

— Je l’emmènerai avec M. Berthault, qui vous le ramènera. Il vous gênerait beaucoup, ce cher enfant, pendant votre lune de miel, ajouta-t-il en riant et sans aucun dépit.

Oh ! comme il semblait résigné et consolé ! Marguerite rougit, son impatience était visible ; il l’interpréta faussement.

— Allons, vous trouvez que je reste trop longtemps, dit-il ; au fait, il est quatre heures… c’est l’instant où le bien-aimé doit venir, je m’en vais ; calmez-vous, il ne me verra pas ici ; je lui cède la place humblement… Je suis devenu bon garçon, avouez-le ; mais vous verrez qu’on peut faire aussi de moi un ami sérieux… D’ailleurs, je serai toujours pour vous le sauveur de Gaston, n’est-ce pas ? S’il vous arrivait quelque malheur, vous penseriez à moi.

Elle étouffait, elle ne pouvait répondre.

Il se leva et vint s’asseoir sur le canapé auprès d’elle.

— Adieu, madame, dit-il d’un ton brusque mais ému, et il lui tendit la main.

Elle mit en tremblant sa main dans celle de Robert. Au contact de cette main nerveuse et brûlante, un ardent frisson la fit tressaillir, un feu rapide courut dans ses veines.

— Adieu… vous me promettez de vous adresser à moi, si jamais je puis vous être utile, et de compter sur moi, toujours et partout… de me traiter en confident, en parent, en frère… Oui ?… Eh bien, embrassons-nous comme deux vieux amis, et disons-nous adieu !

Il la prit dans ses bras avec une cordialité toute naïve, une familiarité tout amicale ; et posant ses lèvres sur son cou tristement penché, il lui donna un franc baiser, un vrai baiser de parrain.

Marguerite s’éloigna de lui vivement… Elle était pâle, froide, immobile… on l’aurait crue frappée par une commotion électrique ou atteinte par un poison violent. Son émotion était si puissante qu’elle lui ôtait la force même de la ressentir. Elle ne voyait plus, elle n’entendait plus ; sa respiration restait suspendue, son sang s’était arrêté, son cœur aidait cessé de battre… un degré de plus, c’était la mort.