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MARGUERITE

Enfin, exprimant par un seul mot toutes ses craintes passées et toutes ses joies présentes :

— Est-ce bien vous, Marguerite ? dit-il en soupirant.

— Oh ! vous avez raison d’en douter ; cette fois, j’ai cru que j’allais mourir, répondit-elle ; vrai, j’ai eu peur.

— Ne dites pas cela ! s’écria-t-il.

Et le jeune homme, cédant à son émotion, jeta ses pinceaux sur la table et vint se mettre à genoux devant Marguerite.

— Jamais, reprit-il, jamais je n’ai pensé qu’il y eût le moindre danger dans cette fièvre, mais je vous voyais si…

— Ne mentez pas, Étienne, interrompit la jeune malade, vous aviez peur, et plus que moi… et vous n’êtes pas encore très-rassuré.

Il pâlit et ses yeux se voilèrent de larmes une seconde fois.

— Je vous aime tant, que tout m’effraye ; mais ce danger-là est passé : ce n’est plus pour vous que je m’inquiète.

— Alors que pouvez-vous craindre ? Maintenant il n’y a plus que ma mort qui puisse nous séparer.

— Tant que vous ne serez pas ma femme, je ne serai pas tranquille.

— Hélas ! mon cher et malheureux cousin, je vous ferai languir encore longtemps.

— Je le sais, votre mère est impitoyable.

— C’est-à-dire qu’elle a pitié de moi.

— Mes soins auraient dû lui donner plus de confiance ; elle me connaît assez pour comprendre que…

Marguerite, posant sa jolie main bien pâle et bien maigre sur la bouche de son cousin, l’interrompit en disant :

— Étienne, parlons d’autre chose. Montrez-moi ce portrait.

Il prit le portrait qui était sur la table.

— C’est charmant, dit-elle, mais cela ne me ressemble pas du tout ; il y a longtemps que je n’ai plus ce teint frais et rose.

— Vous l’aviez retrouvé tout à l’heure, vos belles couleurs étaient entièrement revenues ; à présent, vous êtes moins animée ; mais je remarquais avec plaisir, en peignant ce portrait, que de jour en jour votre fraîcheur revient ; bientôt on ne devinera plus que vous avez été malade si sérieusement.

— Ah ! c’est cela, que vous remarquiez en me regardant ?