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OU DEUX AMOURS

parente, je l’ai vue mourir, dit le vieux diplomate ; elle n’avait qu’un chagrin, c’était de n’avoir pas de fille.

— Vraiment ? s’écriait madame d’Arzac. Alors il s’est moqué de moi !

— Aussi, pourquoi l’avez-vous interpellé devant tout le monde ; il a fait comme font les ministres convaincus d’abus de pouvoir, il a nié, il a improvisé un document, un faux document ; il a improvisé une sœur pour les besoins de la cause, pour enlever un vote !…

Et les rires recommencèrent.

Marguerite souriait avec complaisance à ces malices. Rien ne l’empêchait d’être heureuse, rien ne troublait sa confiance. « Je ne sais pas comment cela s’expliquera, pensait-elle, mais puisqu’il l’a dit, c’était sa sœur ! »

Gaston, tout paré pour le dîner, se montra timidement à la porte. « Viens donc, petit, » lui dit Marguerite ; et, comme il n’osait s’approcher, ayant été renvoyé une heure auparavant, elle courut vers lui, le prit sur ses genoux et l’embrassa avec effusion. La vue de Gaston ne lui faisait plus de mal à présent… Il lui rappelait Robert… mais elle ne haïssait plus Robert.

Moralité : Une femme jalouse ne doit pas très-bien élever ses enfants.



XVI.

C’était sa sœur ! Et depuis deux mois, Robert se donnait mille peines et faisait toutes sortes de démarches fatigantes et inutiles pour retrouver cette pauvre sœur abandonnée… Enfin il ressaisit sa trace : il apprit qu’elle était à Gênes, dans un couvent. Que de formalités, de supplications, d’intrigues même il fallut avant de constater son identité, avant d’obtenir qu’on la remît sous sa protection ! Grâce à l’influence d’un ancien ami qu’il avait à Gênes, il parvint à triompher de toutes ces difficultés, et sa sœur venait de lui être rendue. Elle était charmante ; quoiqu’elle n’eût que douze ans, comme elle était