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MARGUERITE

— Je suis à vos ordres, madame, prêt à vous répondre.

— Je n’ose, dit-elle, c’est embarrassant…

— Pour vous, madame ? cela m’étonnerait.

— Non, mais pour vous peut-être.

— Oh ! moi, je n’ai pas peur….

— Eh bien, un de mes amis vous a rencontré hier matin… à huit heures.

Robert parut contrarié. Marguerite attachait sur lui des yeux perçants ; Étienne regardait Marguerite.

Madame d’Arzac continua :

— À huit heures ; c’était dans une rue dont j’ai oublié le nom, mais qui est près du chemin de fer d’Orléans… Vous donniez le bras à une petite personne, jolie comme un ange… et vêtue plus que simplement…

— C’est vrai, madame, dit Robert avec un sourire triste et d’un air contraint.

— Eh bien, monsieur… et c’est là ce qui m’embarrasse à vous dire… un de mes amis a soutenu que cette jolie personne, qu’il a cru reconnaître, était mademoiselle Zizi, de l’Opéra.

— Ah ! madame, dit-il, c’était ma sœur !

Il regarda madame de Meuilles. Oh ! comme il fut heureux ! Marguerite avait rougi, elle était rayonnante de joie ; toute sa beauté, toute sa tendresse, lui étaient revenues. « C’était donc cela, pensa Robert en lui souriant avec amour, elle était jalouse ! »

Étienne avait suivi toutes les impressions que n’avait pu cacher Marguerite ; et, le cœur plein d’amertume et de douleur, il se disait en même temps : « Elle était jalouse ! »

M. de la Fresnaye venait de partir. Dès qu’il fut assez loin pour qu’on n’eût plus à le craindre, un immense éclat de rire fit trembler les vitres du salon.

— Oh ! c’est charmant ! disait l’un.

— Elle est bonne, la plaisanterie ! disait l’autre.

— Quoi donc ?

— Sa sœur !

— Eh bien ?

— Mais il n’a pas de sœur ! il n’a jamais eu de sœur, il est fils unique, tout ce qu’il y a de plus unique ! Sa mère était ma