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MARGUERITE

qu’égoïsme et vanité ; il médit des natures généreuses : il a ses raisons pour cela. C’est un triste héros de roman que cet homme que toutes les femmes s’arrachent. Je ne lutterai pas avec elles ; mon sort vaut mieux. Vous êtes tout aussi élégant que lui, tout aussi aimable, et vous avez plus de cœur et la passion qu’il n’a pas. Étienne, dites-moi vite que vous n’êtes plus jaloux.

Étienne n’eut pas la force de répondre.

— Eh bien, vous doutez encore ? Vous m’en voulez toujours ?

— Oh ! je ne vous en veux pas, mais…

— Vous croyez donc que je vous trompe ?

— Ce n’est pas moi que vous trompez.

— Et qui donc ?

— C’est vous, Marguerite… Toutes ses résolutions l’abandonnèrent, et il ne put s’empêcher de lui dire : — Vous l’aimez !…

Il s’attendait à la voir s’emporter à ce mot, il fut étonné de la voir sourire.

— J’ai cru cela comme vous, dit-elle naïvement, mais vous comprendrez bientôt comme moi qu’il n’en est rien

— Hier, cependant, quand je suis venu, il vous parlait avec passion et vous l’écoutiez….

— Oui, je pouvais le craindre encore hier, mais aujourd’hui !… je le connais, et je n’ai pas peur de lui… N’y pensons plus.

De vives protestations n’auraient pu persuader Étienne, mais cet aveu plein de candeur le rassura. Cette fois encore il fut repris par l’espoir.

Marguerite força Étienne à lui dire ce qu’il avait fait la veille, et à confesser qu’il n’avait pas fait le moindre dîner de marins et qu’il s’était promené toute la soirée dans les allées sombres des Champs-Élysées, marchant à grands pas comme un furieux et méditant vingt lettres plus folles les unes que les autres.

— Elles commençaient toutes par : Je vous rends votre parole ?

— Oui ; mais il y en aidait de bien injurieuses…

— J’ai envoyé chez vous.

— Pourquoi ? Cela m’a fait plaisir, mais je n’ai pas compris pourquoi.