Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 3.djvu/124

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
116
MARGUERITE

— Bien. Écrivez-lui, c’est votre devoir, mais ne lui dites pas que vous l’aimez.

— Oh ! vous vous trompez… Étienne riait, il avait l’air heureux et confiant.

— Par respect pour lui, ne dites plus cela.

— Vous m’inquiétez ; je vais tout de suite envoyer chez lui.

Elle sonna. Un domestique vint. M. de la Fresnaye la salua et sortit.

— Courez chez M. d’Arzac, dit-elle, et priez-le de passer un instant ici avant d’aller dîner ; j’ai à lui parler.

Le domestique partit à la hâte.

Dès que Marguerite fut seule, elle s’abandonna à toute sa douleur. « Mon Dieu ! s’écria-t-elle, il a dit vrai, je l’aime ! Que vais-je devenir ? je l’aime !… » Puis elle rassembla toutes ses forces : « Oui, je l’aime, dit-elle, mais je ne veux pas l’aimer !… »



XIV.

Le domestique que Marguerite avait envoyé chez M. d’Arzac revint ; il n’avait trouvé personne. M. d’Arzac était sorti, il ne devait pas rentrer avant minuit. Madame de Meuilles pensa naturellement que les conjectures de Robert étaient absurdes ; elle les jugea même pleines de présomption et de fatuité.

L’idée de passer la soirée seule l’effrayait ; elle avait peur de ses souvenirs. Pour se distraire et se calmer par la réalité de la vie mondaine, elle descendit chez madame d’Estigny. Elle savait que madame d’Estigny, ayant perdu une de ses parentes, vivait en famille depuis quelque temps. À peine elle était assise, on se mit à commérer sur les nouvelles du jour ; le grand événement était le départ de madame de Bellegarde ; chacun le racontait à sa manière : La duchesse avait découvert que M. de la Fresnaye la trompait, elle lui avait fait une scène épouvantable, elle était partie en lui défendant de la suivre.

Autre version : M. de la Fresnaye lui avait dit qu’il allait se