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MARGUERITE

diminuer leur supplice, rien n’aurait pu fléchir son implacable joie… C’est qu’il aimait passionnément et comme il faut que l’on aime, car cet égoïsme cruel, c’est l’amour… oui… Si l’amour était doux, bon, commode et plein d’égards, ce ne serait plus l’amour, ce serait la bienveillance ou la charité.



XII.

Madame de Meuilles remonta seule chez elle, seule, c’est-à-dire sans être reconduite par Étienne et sans avoir dit adieu à sa mère. Ce fut un vieil ami de madame d’Estigny qui lui donna le bras jusqu’à sa porte.

Marguerite avait été abandonnée de tous les siens : Étienne s’était enfui pendant qu’elle prenait congé de la maîtresse de la maison, il craignait de se trahir, et il ne voulait point d’explication ; madame d’Arzac voulait une explication, mais elle la voulait complète, et pour cela elle se promettait de courir Paris le lendemain et d’apprendre de ses parents, amis et connaissances, tout le mal que l’on pouvait penser et savoir sur le compte de M. de la Fresnaye, afin de chasser à jamais cet odieux fat de la maison de sa fille.

Marguerite avait cru que Robert, la voyant ainsi délaissée, s’offrirait pour la ramener jusqu’à son appartement. Elle se disposait à refuser cette offre avec une très-grande dignité ; mais M. de la Fresnaye était un trop savant stratégiste pour commettre une pareille faute. Tant qu’on ne s’est pas fait comprendre, toutes les occasions sont bonnes pour tâcher de se faire écouter, mais une fois que l’on est compris, il faut éviter cet empressement banal qui ne peut que déconsidérer l’amour. D’ailleurs, il savait bien que son pouvoir sur Marguerite était primé dans ce moment ; il y avait à supporter une première crise de remords inévitable, et pendant laquelle les soins les plus séduisants seraient inutiles. Il fallait lui laisser user son remords. Et, en effet, la triste Marguerite, réveillée de son rêve d’infidélité, était indignée contre elle-même. Elle