— Oh ! je suis toujours matinale. Mais, dites-moi, pourquoi partez-vous ?
— Ne m’en parlez pas ! j’en suis si contrarié…
— Que dira votre femme, monsieur ?
— Rien… elle sait pourquoi.
— Quand reviendrez-vous ?
Lionel hésita… — Mardi… oui, je puis être de retour mardi… Adieu, ma jolie petite sœur… Embrassez-moi… Allons, animal, dépêche-toi donc ! dit M. de Marny en rudoyant son domestique ; — et il s’élança dans la voiture ; puis, modérant sa mauvaise humeur : — Adieu ; à bientôt, dit-il à Valérie avec le plus faux des sourires ; à mardi.
Les chevaux partirent.
— Le lendemain de son mariage ! pensa Valérie ; que s’est-il donc passé ? Je vais chez ma sœur. Elle dort peut-être… Oh ! non… mais je n’ose pas.
Elle se promenait dans la cour en réfléchissant.
— Tiens ! Ririe, te voilà déjà levée, curieuse !… lui cria son père ; viens donc, espiègle… viens m’embrasser, ma fille, car tu es ma seule fille à présent ; ta sœur est une madame qui aimera son mari plus que moi ; viens, en attendant que tu fasses comme elle, que tu m’abandonnes aussi…
— Ah ! papa, je ne suis point pressée ; je ne veux pas vous quitter, moi.
— Qu’est-ce que tu faisais dans la cour ?
— Je disais adieu à mon beau-frère, qui vient de partir pour Paris…
— Il est parti… mon gendre !… le mari de ma fille !… parti, le lendemain de son mariage ! Que me dites-vous là ?… Mais c’est affreux !… Tu lui as parlé ! Quelle raison, quel motif donne-t-il ?… Que vous a-t-il dit, mademoiselle ?
— Il ne s’est point expliqué ; il a dit seulement que ma sœur savait bien pourquoi.
— Qu’est-ce à dire ?… qu’entends-je ? s’écrie M. Bélin transporté d’indignation… Elle sait pourquoi ? Eh bien, qu’elle le dise, mordieu !… qu’elle le dise… Je ne laisserai point soupçonner l’honneur de ma famille… J’ai peine à me contenir… j’étouffe !