homme est mon ennemi Le curé est contre moi… il parlera à la tante et la mettra aussi contre moi. Tous deux ils parleront à Laurence, qui me dira de ne plus la voir. Si je ne l’engage pas à jamais dès aujourd’hui, si je ne la compromets pas vis-à-vis de moi et d’elle-même par l’aveu le plus passionné, si je ne l’enchaîne pas enfin par un amour irrésistible… je suis un homme perdu !… »
Et sa résolution fut prise.
Il y avait en cet instant un peu de rage dans son amour.
Dès qu’il entendit madame de Pontanges remonter dans son appartement, il lui fit demander si elle était visible.
Bientôt il se trouva près d’elle.
Laurence s’était de nouveau couchée sur son canapé ; elle était pâle et paraissait souffrir.
— Pauvre femme ! s’écria Lionel en la regardant, comme vous êtes pâle !… vous ne guérirez jamais, si vous marchez avec votre blessure. Ne pouviez-vous donc vous dispenser de ce soin aujourd’hui ?
— Vous voyez bien que non. Il n’écoute que moi.
— C’est votre faute ; vous l’avez gâté : si vous aviez eu plus de fermeté avec lui, vous l’auriez accoutumé à se passer de vous. Cet esclavage est insupportable ; vous voilà maintenant plus souffrante que ce matin… Mais aussi vous êtes bien belle comme cela !… Que cette langueur vous va bien !… Oh ! ne me regardez pas !…
— Il y a du monde encore dans le salon ? demanda-t-elle.
— Oui, votre sous-préfet qui m’ennuie, votre grave pasteur qui me fait peur, et madame votre tante qui me déteste ; en vérité, tout le monde ici est malveillant pour moi.
— Pourquoi cela ?
— Vous le savez bien.
Elle ne répondit pas.
— Oh ! je suis triste, dit Lionel en soupirant.
Il cacha sa tête entre ses mains.
— J’étouffe, ajouta-t-il à voix basse. Ah ! mon Dieu, je n’ai jamais été si amoureux !
Ces mots, que Lionel semblait dire pour lui seul, furent un coup de foudre pour madame de Pontanges…