ne souffre pas beaucoup ce soir… Allez rejoindre ma tante, continua-t-elle ; je ne veux pas que vous assistiez à mon enlèvement, vous vous moqueriez de moi.
— Rire de vous ! s’écria Lionel, quand vous êtes si bonne ; mais vous êtes un ange qu’il faut adorer.
Lionel descendit dans le salon et raconta très-haut, avec beaucoup d’indignation et de pitié, comment madame de Pontanges, qui avait la jambe blessée par un coup de faux que lui avait donné le matin son mari, venait de se faire porter près de lui pour lui servir à dîner.
« Ses amis devraient s’entendre pour lui épargner tant de souffrances, disait-il ; ce fou a manqué de la tuer ce matin ; vraiment c’est de la barbarie, c’est une imprudence impardonnable que de laisser ainsi une jeune femme exposée à de telles fureurs. Le danger pour tout le monde est continuel, reprenait-il ; cet homme mettra le feu à la maison ; il devient tous les jours plus irascible, et vraiment c’est un devoir pour les parents de madame de Pontanges de la contraindre à confier son mari aux soins d’un médecin habile qui veillerait sur lui… »
C’est-à-dire de l’enfermer dans une maison de fous.
Chacun fut de son avis, excepté le curé, qui regardait comme une impiété de ravir à ce pauvre idiot la seule personne qui l’aidât à vivre.
— Je connais M. le marquis depuis son enfance, c’est moi qui l’ai baptisé, disait-il ; je ne l’ai jamais quitté ; il est d’un caractère très-doux ; madame de Pontanges n’a rien à redouter de ses accès de fureur. Laissez, monsieur, cet ange de bonté accomplir la mission que le Ciel lui a confiée ; madame de Pontanges est heureuse de son dévouement, et j’espère qu’elle n’a donné à personne le droit de la plaindre.
— Je le crois comme vous, monsieur le curé, répondit Lionel avec dépit ; et j’espère pour vous aussi que vous ne serez pas dans ce château le jour où M. le marquis de Pontanges y mettra le feu.
Lionel sortit du salon en achevant ces mots.
M. de Marny était de mauvaise humeur.
Il entra dans sa chambre, et, se parlant à lui-même : « Cet