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pas remarquer que ce que son pied touchoit, n’étoit pas une partie de lui-même ? N’étoit-il réservé qu’à la main de faire cette découverte ; et si jusqu’alors il a ignoré qu’il y eût quelque chose hors de lui, comment a-t-il pu songer à se mouvoir, à marcher, à porter la tête haute et levée vers le ciel ?

Agité par cette nouvelle découverte, il a peine à se rassurer, il veut toucher le soleil, il ne trouve que le vide des airs : il tombe de surprises en surprises, et ce n’est qu’après une infinité d’épreuves qu’il aprend à se servir de ses yeux pour guider sa main, qui devroit bien plutôt lui aprendre à conduire ses yeux.

C’est alors qu’il est suffisamment instruit. Il a l’usage de la vue, de l’ouie, de l’odorat, du toucher. Il se repose à l’ombre d’un bel arbre : des fruits d’une couleur vermeille descendent en forme de grape à la portée de sa main ; il en saisit un, il le mange, il s’endort, se réveille, regarde à côté de lui, se croit doublé, c’est-à-dire, qu’il se trouve avec une femme.

Telles sont les observations de M. de B. sur la vue, l’ouie et les sens en général.