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Comment sait-il qu’il y a un air léger ? comment sait-il que les [460] parfums lui sont aportés de dehors par cet air léger, lui qui croit que tout est en lui, que tout est lui ? Ne diroit-on pas qu’il a déja pesé l’air ? Enfin ces parfums ne lui paroissent-ils pas des parties de lui-même ? et si cela est, pourquoi juge-t-il qu’ils lui sont aportés ?

Amoureux de lui-même, pressé par les plaisirs de sa belle et grande existence, il se lève tout d’un coup et se sent transporté par une force inconnue.

Et où transporté ? Pour remarquer pareille chose, ne faut-il pas connoître un lieu hors de soi ? et peut-il avoir cette connoissance, lui qui voit tout en lui ?

Il n’a point encore touché son corps : s’il le connoit, ce n’est que par la vue. Mais où le voit-il ? Sur sa rétine, comme tous les autres objets. Son corps pour lui n’existe que là. Comment donc cet homme peut-il juger qu’il se leve et qu’il est transporté ?

Enfin, quel motif peut le déterminer à se mouvoir ? C’est qu’il est pressé par les plaisirs de sa belle et grande existence.