Page:Œuvres complètes de Condillac, tome 5 - Traité des animaux, 1803.djvu/166

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se renouvellent, se succedent, se multiplient, et nous ne vivons plus que pour desirer et qu’autant que nous desirons.

La connoissance des qualités morales des objets, est le principe qui fait éclore d’un même germe cette multitude de passions. Ce germe est le même dans tous les animaux, c’est l’amour-propre ; mais le sol, si j’ose ainsi parler, n’est pas propre à le rendre partout également fécond. Tandis que les qualités morales, multipliant à notre égard les raports des objets, nous offrent sans cesse de nouveaux plaisirs, nous menacent de nouvelles peines, nous font une infinité de besoins, et par-là nous intéressent, nous lient à tout ; l’instinct des bêtes, borné au phisique, s’opose non seulement à la naissance de bien des desirs, il diminue encore le nombre et la vivacité des sentimens qui pouroient acompagner les passions, c’est-à-dire, qu’il retranche ce qui mérite principalement de nous ocuper, ce qui seul peut faire le bonheur ou le malheur d’un être raisonnable. Voila pourquoi nous ne voyons dans les actions des bêtes qu’une brutalité qui aviliroit les nôtres.