Page:Œuvres complètes de Condillac, tome 5 - Traité des animaux, 1803.djvu/163

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aucune ne se diroit en voyant ses semblables privées de mouvement, elles ont fini, je finirai comme elles. Elles n’ont donc aucune idée de la mort ; elles ne connoissent la vie que par sentiment ; elles meurent sans avoir prévu qu’elles pouvoient cesser d’être ; et lorsqu’elles travaillent à leur conservation, elles ne sont ocupées que du soin d’écarter la douleur.

Les hommes, au contraire, s’observent réciproquement dans tous les instans de leur vie, parce qu’ils ne sont pas bornés à ne se communiquer que les sentimens, dont quelques mouvemens ou quelques cris inarticulés peuvent être les signes. Ils se disent les uns aux autres tout ce qu’ils sentent et tout ce qu’ils ne sentent pas. Ils s’aprennent mutuellement comment leur force s’acroît, s’affaiblit, s’éteint. Enfin, ceux qui meurent les premiers disent qu’ils ne sont plus, en cessant de dire qu’ils existent, et tous répétent bientôt : un jour donc nous ne serons plus.

[512] L’amour-propre par conséquent n’est pas pour l’homme le seul desir d’éloigner la douleur, c’est encore le desir de sa conservation.