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Voilà les cinq règles qui forment tout ce qu’il y a de nécessaire pour rendre les preuves convaincantes, immuables, et, pour tout dire, géométriques ; et les huit règles ensemble les rendent encore plus parfaites.

Je passe maintenant à celle de l’ordre dans lequel on doit disposer les propositions, pour être dans une suite excellente et géométrique.

Après avoir établis

Voilà en quoi consiste cet art de persuader, qui se renferme dans ces deux principes : Définir tous les noms qu’on impose ; prouver tout, en substituant mentalement les définitions à la place des dé finis.

Sur quoi il me semble à propos de prévenir trois objections principales qu’on pourra faire. L’une, que cette méthode n’a rien de nouveau ; l’autre, qu’elle est bien facile à apprendre, sans qu’il soit nécessaire pour cela d’étudier les éléments de géométrie, puis qu’elle consiste en ces deux mots qu’on sait à la première lecture ; et enfin qu’elle est assez inutile, puisque son usage est presque renfermé dans les seules matières géométriques.

Il faut donc faire voir qu’il n’y a rien de si inconnu, rien de plus difficile à pratiquer, et rien de plus utile et de plus universel.

Pour la première objection, qui est que ces règles sont communes dans le monde, qu’il faut tout définir et tout prouver, et que les logiciens mêmes les ont mises entre les préceptes de leur art, je voudrais que la chose fut véritable, et qu’elle fût si connue, que je n’eusse pas eu la peine de rechercher avec tant de soin la source de tous les défauts des raisonnements, qui sont véritablement communs. Mais cela l’est si peu, que, si l’on en excepte les seuls géomètres, qui sont en si petit nombre qu’ils sont uniques en tout un peuple et dans un long temps, on n’en voit aucun qui le sache aussi. Il sera aisé de le faire entendre à ceux qui auront parfaitement conçu le peu que j’en ai dit ; mais s’ils ne l’ont pas compris parfaitement, j’avoue qu’ils n’y auront rien à y apprendre. Mais s’ils sont entrés dans l’esprit de ces règles, et qu’elles aient assez fait d’impression pour s’y enraciner et s’y affermir, ils sentiront combien il y a de différence entre ce qui est dit ici et ce que quelques logiciens en ont peut-être décrit d’approchant au hasard, en quelques lieux de leurs ouvrages.

Ceux qui ont l’esprit de discernement savent combien il y a de différence entre deux mots semblables, selon les lieux et les circonstances qui les accompagnent. Croira-t-on, en vérité, que deux personnes qui ont lu et appris par cœur le même livre le sachent également, si l’un le comprend en sorte qu’il en sache tous les principes, la force des conséquences, les réponses aux objections qu’on y peut faire, et toute l’économie de l’ouvrage ; au lieu qu’en l’autre ce soient des paroles mortes, et des semences qui, quoique pareilles à celles qui ont produit des arbres si fertiles, sont demeurées sèches et infructueuses dans l’esprit stérile qui les a reçues en vain ?

Tous ceux qui disent les mêmes choses ne les possèdent pas de la même sorte ; et c’est pourquoi l’incomparable auteur de l’Art de conférer (I) s’arrête avec tant de soin à faire entendre qu’