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MATHÉMATIQUES.




DE L’ESPRIT GÉOMÉTRIQUE.[1]


I.

On peut avoir trois principaux objets dans l’étude de la vérité : l’un, de la découvrir quand on la cherche ; l’autre, de la démontrer quand on la possède ; le dernier, de la discerner d’avec le faux quand on l’examine.

Je ne parle point du premier : je traite particulièrement du second, et il enferme le troisième. Car, si l’on sait la méthode de prouver la vérité, on aura en même temps celle de la discerner, puisqu’en examinant si la preuve qu’on en donne est conforme aux règles qu’on connaît, on saura si elle est exactement démontrée.

La géométrie, qui excelle en ces trois genres, a expliqué l’art de découvrir les vérités inconnues ; et c’est ce qu’elle appelle analyse, et dont il serait inutile de discourir après tant d’excellents ouvrages qui ont été faits.

Celui de démontrer les vérités déjà trouvées, et de les éclaircir de telle sorte que la preuve en soit invincible, est le seul que je veux donner ; et je n’ai pour cela qu’à expliquer la méthode que la géométrie y observe : car elle l’enseigne parfaitement par ses exemples, quoiqu’elle n’en produise aucun discours. Et parce que cet art consiste en deux choses principales, l’une de prouver chaque proposition en particulier, l’autre de disposer toutes les propositions dans le meilleur ordre, j’en ferai deux sections, dont l’une contiendra les règles de la conduite des démonstrations géométriques, c’est-à-dire méthodiques et parfaites, et la seconde comprendra celles de l’ordre géométrique, c’est-à-dire méthodique et accompli : de sorte que les deux ensemble enfermeront tout ce qui sera nécessaire pour la conduite du raisonnement à prouver et discerner les vérités, les quelles j’ai dessein de donner entières.


Sect. I — De la méthode des démonstrations géométriques, c’est-à-dire méthodiques et parfaites.

Je ne puis faire mieux entendre la conduite qu’on doit garder pour rendre les démonstrations convaincantes, qu’en expliquant celle que la géométrie observe.

Mon objet est bien plus de réussir à l’une qu’à l’autre, et je n’ai choisi cette science pour y arriver que parce qu’elle seule sait les véri-

  1. Les deux fragments qui suivent sont intitulés dans l’édition de Bossut Réflexions sur la géométrie en général, et De l’art de persuader.