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préceptes étoient absolument impossibles, contre lesquels le concile décide simplement que la charité et la grâce actuelle peuvent les rendre possibles : et c’est ce qu’il exprime en ces termes : « Les préceptes ne sont pas impossibles, » et qu’il prouve en cette sorte : « Car Dieu ne commande pas des choses impossibles. » Cette raison montre bien que les commandemens ne sont pas absolument impossibles, mais non pas que les justes aient toujours tous les secours nécessaires pour les accomplir ; car il suffit que la grâce puisse les rendre possibles, pour faire que Dieu ne soit pas injuste en les imposant, puisqu’il ne faudra qu’avoir recours à lui pour en obtenir le pouvoir.

Aussi l’on ne doute pas que ceux qui ont comblé la mesure de leurs crimes, ne soient privés de la grâce ; et cependant les préceptes ne laissent pas de les obliger en cet état, quoiqu’ils ne leur soient pas possibles de ce plein pouvoir dont il s’agit. Et c’est pourquoi le concile continue ainsi : « Mais Dieu, en imposant, avertit de faire ce qu’on peut, et de demander ce qu’on ne peut pas. » Donc il commande quelquefois ce qu’on ne peut pas encore, et il aide afin qu’on le puisse. Donc il donne, à ceux qui le demandent, le secours qu’ils n’avoient pas quand ils ont reçu le commandement. « Et ses préceptes ne sont pas pesans ; car ceux qui sont enfans de Dieu, aiment Jésus-Christ ; et ceux qui l’aiment, gardent sa parole. »

Que marquent donc toutes ces preuves, sinon que ceux qui ont la charité actuelle, peuvent accomplir les préceptes ? Car afin qu’on ne l’entende pas de la charité habituelle, le concile ajoute immédiatement à ces paroles de l’Écriture celles-ci, qui les expliquent : « Ce qu’à la vérité ils peuvent accomplir par le secours de Dieu. Par où il joint à la grâce sanctifiante qui rend les hommes enfans de Dieu, le secours actuel, pour donner le pouvoir prochain d’accomplir les commandemens.

Qui doute donc que le concile ait entendu autre chose, sinon que les commandemens sont possibles aux justes pourvu que Dieu les secoure ; ce qui n’étoit contesté que par les seuls luthériens, lesquels seuls il avoit alors à combattre ?

Ensuite le concile déclare que les justes ne sont pas toujours exempts de péchés véniels, mais qu’ils ne détruisent pas la justice. Et rapportant plusieurs passages de l’Écriture qui montrent qu’il n’est pas impossible que les saints, aidés par la grâce, accomplissent les préceptes, il conclut en cette sorte : « D’où il s’ensuit nécessairement (unde constat) que ceux-là s’opposent à la vérité de la foi, qui soutiennent que les justes pèchent en toutes leurs actions. » Sur quoi il est aisé de juger que, puisque le concile a cru avoir conclu par ces paroles : « donc les justes ne pèchent pas en toutes leurs actions, » ce qu’il avoit proposé ; par celles-ci : « les commandemens ne sont pas impossibles aux justes, » il n’avoit entendu autre chose, sinon qu’il n’est pas impossible qu’ils observent les préceptes, et non pas que les justes ont toujours le pouvoir de les observer ; puisque autrement il n’auroit ni prouvé, ni conclu ce qu’il avoit proposé. Car c’est bien une même chose, de dire qu’on ne pèche pas toujours, et, qu’il est possible d’accomplir quelquefois les