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111.

Dans la lettre, de l’injustice, peut venir la plaisanterie des aînés qui ont tout. Mon ami, vous êtes né de ce côté de la montagne ; il est donc juste que votre aîné ait tout.


112.

Il faut mettre au chapitre des Fondemens ce qui est en celui des Figuratifs touchant la cause des figures : pourquoi Jésus-Christ prophétisé en son premier avènement ; pourquoi prophétisé obscurément en la manière.


113.

Nous implorons la miséricorde de Dieu, non afin qu’il nous laisse en paix dans nos vices, mais afin qu’il nous en délivre.


114.

Si Dieu nous donnoit des maîtres de sa main, oh ! qu’il leur faudroit obéir de bon cœur ! La nécessité et les événemens en sont infailliblement.


115.

Eritis sicut dii, scientes bonum et malum[1]. Tout le monde fait le dieu en jugeant : « Cela est bon ou mauvais ; » et s’affligeant ou se réjouissant trop des événemens.


116.

Faire les petites choses comme grandes, à cause de la majesté de Jésus-Christ qui les fait en nous, et qui vit notre vie ; et les grandes comme petites et aisées, à cause de sa toute-puissance.




LE MYSTÈRE DE JÉSUS.[2].


1.

Jésus souffre dans sa passion les tourmens que lui font les hommes ; mais dans l’agonie il souffre les tourmens qu’il se donne à lui-même : turbavit semetipsum[3]. C’est un supplice d’une main non humaine, mais toute-puissante, et il faut être tout-puissant pour le soutenir.

Jésus cherche quelque consolation au moins dans ses trois plus chers amis, et ils dorment. Il les prie de soutenir un peu avec lui, et ils le laissent avec une négligence entière, ayant si peu de compassion qu’elle ne pouvoit seulement les empêcher de dormir un moment. Et ainsi Jésus était délaissé seul à la colère de Dieu.

Jésus est seul dans la terre, non-seulement qui ressente et partage sa peine, mais qui la sache : le ciel et lui sont seuls dans cette connoissance.

Jésus est dans un jardin, non de délices comme le premier Adam, où il se perdit, et tout le genre humain ; mais dans un de supplices, où il s’est sauvé, et tout le genre humain.

Il souffre cette peine et cet abandon dans l’horreur de la nuit. Je crois que Jésus ne s’est jamais plaint que cette seule fois ; mais

  1. Gen., iii, 5.
  2. Publié pour la première fois par M. Faugère
  3. Jean, xi, 33.